dimanche 24 février 2019

Frédéric Verger, la confirmation du deuxième roman

L’entrée en littérature de Frédéric Verger avec Arden avait été saluée par le Goncourt du premier roman. Le deuxième, Les rêveuses n’a pas rencontré les mêmes échos, c’est dommage. Car les qualités du débutant se confirment, bien que sur un ton plus mesuré et avec une audace moindre. L’écrivain avait d’abord imaginé, en Marsovie, un monde musical et grouillant de fièvre créatrice sous la menace de la chasse aux Juifs pratiquée avec entrain par le nazisme en 1944.
Cette fois, pendant la même guerre, mais en 1940, Peter Siderman, boche et juif, comme il le dit de lui, engagé à dix-sept ans dans l’armée française, parlant à la perfection la langue de son pays choisi, est fait prisonnier par ses compatriotes après avoir pris la plaque d’un mort en même temps que des lettres trouvées sur le cadavre. Il s’appellera désormais Alexandre d’Anderlange. Et sera libéré parce que sa mère, ou plutôt la mère de celui dont il a emprunté l’identité, est mourante…
Peter/Alexandre est ramené « chez lui », vers l’est, dans une partie de France annexée par l’Allemagne. Malgré ses craintes, il est accueilli avec bienveillance par sa « mère », pas si mourante que cela, ainsi que par la famille et les proches. Le quiproquo dure, s’enrichit des relations complexes avec l’occupant, d’une histoire d’amour complexe, de la crainte toujours présente d’être reconnu pour ce qu’il est – un imposteur. Cette tension culmine en des moments qui donnent au roman ses pics dramatiques.
Mais c’est surtout par l’écriture, comme on l’espérait , que ce livre est remarquable. Entre la lune qui « semblait boire à l’intérieur des yeux » lorsqu’on la fixait et « les reflets d’un monde lointain, projetés sur le chemin par une extravagance optique » devant une colonne de prisonniers, les images frappantes abondent, riches autant de ce qu’elles montrent que de la manière dont elles sont, au sens le plus fort du mot, écrites.
Le cap du deuxième roman est une épreuve quand le premier a fait parler de lui : il ne suffit pas d’y montrer la même maîtrise, il faut aussi que les lecteurs aient l’occasion de s’en apercevoir. En attendant la suite, qui devrait selon toute vraisemblance construire une œuvre puissante.

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