J'ai sursauté, ce matin, en lisant (ou plutôt en survolant) un article du Point - dans la rubrique économie, où je n'ai pas l'habitude de m'attarder. Il y est question de Maurice Varsano, que je ne connaissais pas et dont j'aurai oublié le nom dans cinq minutes, surnommé "le roi du sucre" et qui, dit l'article, "inspirera à Jacques Rouffio un personnage de son film Le sucre". Ah! Et si Jacques Rouffio s'était contenté de reprendre le roman de Georges Conchon, Le sucre, en l'adaptant avec l'aide de l'écrivain? Travail pour lequel Rouffio et Conchon avaient d'ailleurs été nommés aux César dans la catégorie du meilleur scénario ou adaptation.
La popularité (toute relative, dans ce cas) d'un film peut-elle faire oublier l'oeuvre originale? Et, donc, le livre qui en fut à l'origine? Désolante et trop fréquente constatation. Qui n'interdit pas la résistance, installée ici par un rappel utile: qui fut Georges Conchon, dont je saluais ainsi la mémoire en 1990, en apprenant sa mort:
Colette Stern, l’héroïne du dernier roman de Georges Conchon
(qui lui avait simplement donné pour titre le nom du personnage), avait 62 ans
en 1987, lors de la parution du livre. L’écrivain aussi. Elle resplendissait de
santé, au point de séduire un acteur de 37 ans. Georges Conchon, lui aussi, resplendissait
de santé et semblait à l’aube d’une nouvelle carrière de grand romancier, lui
qui avait déjà connu le succès sur plusieurs terrains. Malheureusement, on a
appris hier sa mort survenue dimanche, « des suites d’une maladie soudaine ».
Fils d’instituteur, né en Auvergne, il s’était tôt essayé au
roman puisqu’il avait publié Les grandes lessives
à 28 ans, alors qu’il estimait avoir besoin d’une grosse dizaine d’années en
plus pour être capable d’écrire vraiment. Il n’empêche qu’il n’attendit pas la
quarantaine – à un an près – pour décrocher la timbale : le prix Goncourt,
en 1964, pour L’État sauvage, après
avoir déjà fait une ample récolte précédemment : prix Fénéon en 1956 pour Les honneurs de la guerre et prix des
Libraires en 1960 pour La corrida de la
victoire.
Conchon ne pouvait se contenter d’une carrière littéraire. Il
suivait en même temps une double voie, administrative et artistique.
Sur la première, il fut amené à travailler au Sénat où il
fut secrétaire des débats de 1960 à 1980 après avoir été chef de division à l’Assemblée
de l’Union française.
Sur la seconde, il écrivit quelques scénarios dont certains
donnèrent même naissance à des films à succès. La Victoire en chantant, La
Banquière, Le sucre (d’après son
roman éponyme), Sept morts sur ordonnance,
autant de titres qui appellent des souvenirs. Il avait même adapté pour le
cinéma son prix Goncourt, L’État sauvage.
Mais il s’était juré qu’on ne l’y reprendrait plus et clamait depuis, haut et
fort, que la littérature n’était pas le cinéma et qu’il ne souhaitait plus voir
ses romans adaptés au cinéma. Il est difficile d’affirmer que ce principe était
le bon : il l’avait conduit à diriger, mais pour la télévision cette fois,
l’équipe de scénaristes de Châteauvallon
qui, il est vrai, n’avait rien de très littéraire…
Il y a dix ans, Georges Conchon avait d’ailleurs décidé de
se consacrer davantage à l’écriture, abandonnant le Sénat et mettant en
chantier un épais roman, Le Bel Avenir,
paru en 1983, où on retrouvait son regard critique sur le monde politique
français de l’époque.
Puis, il y a trois ans, il avait donné son chef-d’œuvre, ce Colette Stern pour lequel il avait même
changé d’éditeur (quittant Albin Michel après trente ans de bons et loyaux
services, pour Gallimard). Il y inversait la proposition habituelle d’une
relation amoureuse liant un homme âgé à une jeune femme. Et il le faisait avec
une sensibilité d’une rare finesse non dénuée d’humour. Ce subtil mélange nous
manquera.
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