L’aventure. Non : l’Aventure. C’est le programme, simple
mais alléchant, de Jean-Marie Blas de Roblès dans L’île du point Némo, un épais roman qui tient toutes ses promesses, et
même un peu mieux que cela. On croit d’abord à un roman
historique plein de fureur et de poussière, mais le champ de
bataille où combattent Alexandre et Darius est reconstitué en
soldats de plomb sur le parquet chez Martial Canterel. Puissance de
l’imagination déployée d’emblée pour un envol majestueux vers
des horizons insoupçonnés…
Intelligent
en diable, le romancier puise à des sources multiples, dont
certaines sont immédiatement identifiables et d’autres moins
visibles, pour conduire un attelage fou sur une planète où les
déchets de plastique se concentrent en un lieu unique au milieu des
océans. Et tant pis ou tant mieux si c’est une métaphore
puisqu’elle permet de retrouver le Nautilus du capitaine
Nemo ainsi que d’autres héros de fiction transposés dans une
époque proche de la nôtre.
Jean-Marie
Blas de Roblès joue de tous les codes, populaires ou savants, fait
courir devant lui une troupe sans cesse croissante de personnages,
insère en guise de respiration quelques « Derniers télégrammes
de la nuit » à couper le souffle – ce qui n’est peut-être
pas la meilleure manière de reprendre sa respiration. Certes, mais
comment freiner le déferlement d’événements improbables et
pourtant reliés entre eux par la logique souterraine du roman ?
Des
raccourcis saisissants font l’économie d’épisodes dont on aime
à penser qu’ils nous auraient eux aussi réjoui : « Comment
nos amis se retrouvèrent indemnes sur le rivage de Melville Island,
au nord du continent australien, et par quels expédients ils
réussirent à continuer leur voyage jusqu’à destination, c’est
ce que nous nous permettrons d’omettre pour ne pas rallonger
inutilement notre récit. » D’abrupts renversements de
point de vue nous transportent dans les fabriques de tabac des
Caraïbes où Le comte de Monte-Cristo est la Bible des
cigarières, ou dans d’authentiques batailles comme celle qui voit
nos héros (parmi lesquels Holmes) subir un bombardement de
rhinocéros blancs et d’autres fauves alors que le train dans
lequel ils traversaient la steppe russe est immobilisé.
Après
quelques pages, on ne sait déjà plus où donner de la tête mais on
s’accroche en espérant arriver à suivre. Quelques dizaines de
pages plus loin, on voudrait décrocher qu’on en est devenu
incapable. Il y a tant de vies ici, plus exaltantes les unes que les
autres, qu’on a envie de les vivre toutes.
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