Fortes du succès rencontré il y a deux ans par Les rêveurs, le premier roman d’Isabelle Carré, les Éditions Grasset anticipent la « vraie » rentrée littéraire – la semaine prochaine, ça déboule – avec Du côté des Indiens, annoncé dans le programme d’août pour le 19, et soudain avancé d’une semaine. Je ne veux pas penser aux problèmes de logistique posés par cette décision dont j’ignore si elle a été tardive, mais dont je n’ai pris connaissance qu’hier après-midi. Bah ! il y avait toute la soirée et une partie de la nuit pour lire, ce que j’ai fait. Ce matin, je suis fatigué et je me dis que j’aurais pu mieux occuper le temps passé avec Bertrand, Anne et Ziad ainsi que, dans une moindre mesure, avec leur voisine Muriel.
Car le livre est bancal, composé de pièces juxtaposées au
petit bonheur la chance plutôt que construit dans son ensemble. Envisagé séparément,
chaque fragment présente un intérêt, davantage lié au sujet qu’il traite sous
un angle souvent inhabituel – la solitude, la trahison, la fuite, le
harcèlement sexuel dans le milieu du cinéma, etc. – qu’à une écriture sans
grand relief. Les uns derrière les autres, ces mêmes fragments laissent un goût
d’inachevé, comme s’il avait manqué quelque chose (du temps ?) pour leur
permettre de s’épanouir ensemble au lieu de se développer comme des corps indépendants,
parfois encombrants.
« J’ai toujours
été du côté des Indiens », dira Anne à son mari, Bertrand, pour
justifier, en même temps que le titre, son envie de voir un western à la fin
sanglante – ce sont les cow-boys qui meurent. Pourquoi cette préférence ? « Parce qu’ils vont perdre ! Quoi
qu’il arrive, ce sont eux qui vont disparaître. »
Être du côté des Indiens, c’est être du côté des plus
faibles, par principe, c’est honorable, ou, c’est plus délicat, parce qu’Anne
elle-même se range dans la catégorie des perdants. La vie ne lui a pourtant pas
si mal réussi, elle a passé des années heureuses avec Bertrand – un mariage
assez tardif, alors qu’elle s’était habituée au célibat et à son travail chez
Beauty Clean, soins de la peau, épilations, massages. Mais, malgré la présence
de Ziad, dix-onze ans, ou en partie à cause de cette présence, Anne ressent le
manque de ce qu’elle n’a pas. Quoi ? Difficile à dire, et quand elle se
lancera dans l’aventure, cela ne se passera pas vraiment bien.
Bertrand, lui, a trouvé l’échappatoire à portée d’ascenseur.
Muriel habite trois étages au-dessus, elle est devenue sa maîtresse avec un
naturel confondant. Il faut dire que Muriel n’a jamais su dire non, comme le
prouve le mauvais souvenir de son premier et unique tournage comme actrice dans
un film, quand le réalisateur est devenu pressant, sans se demander un instant
si elle avait envie de la même chose que lui.
Le temps que passe Muriel, désormais scripte, dans l’immeuble,
Ziad, qui a compris le manège de son père et a trouvé le moyen d’y mettre fin,
s’est lié d’amitié avec elle, a découvert un plateau de cinéma en l’accompagnant
sur un tournage… Le monde est à lui, avec tous ses possibles, mais il semble
surtout accablé par les événements familiaux.
Il y de quoi. Outre qu’il boite, Du côté des Indiens est un roman aux teintes sombres, dont on est
plutôt soulagé de sortir intact – encore heureux qu’on ne se soit pas attaché à
des personnages qui d’ailleurs ne le méritaient pas.
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