La vérité sur les gens ? Elle n’existe pas, découvre-t-on aujourd’hui, quand bien même Teresa croyait très bien connaître Bern, Nicola, Cesare, Giuliana, Danco et Tommaso. Surtout Bern, personnage central dont l’histoire est la plus complexe et la plus fascinante dans Dévorer le ciel, le roman de Paolo Giordano (traduit par Nathalie Bauer), en même temps que le garçon est le préféré de Teresa.
De l’adolescence à l’âge adulte (ou ce qui y ressemble pour
eux), les personnages du roman forment une bande qui progresse de la légèreté à
la gravité. Ils endossent l’effervescence de leur jeunesse avant d’investir
leur énergie dans un mode de vie libertaire dans lequel ils croient. A moins
qu’ils fassent surtout semblent d’y croire parce que cela les arrange d’ignorer
les injonctions de la société et de transgresser par plaisir la plupart des
règles. L’amour et la violence font bon ménage. Jusqu’à un certain point
seulement. Car les mentalités évoluent, en cette fin de XXe siècle, moins
rapidement que la course au désir dans laquelle sont lancés trois garçons et
une fille.
Celle-ci, Teresa, quand elle croise pour la première fois Nicola, Tommaso et Bern, a quatorze ans. Elle est émerveillée par la manière dont ils ont pris possession de la piscine que son père n’entend pas ouvrir au public. La propriété, c’est le vol, semblent affirmer sereinement les trois garnements destinés à un bel avenir de voyous – ou de modèles, l’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre. Les affranchis fascinent la jeune fille, déjà emportée avant même de le savoir elle-même dans une aventure collective où elle connaîtra le meilleur et le pire.
Paolo Giordano, célébré à 26 ans dès son premier roman, La solitude des nombres premiers (traduit en 2009), poursuit son exploration, commencée à ce moment, des rapports ambigus jusqu’au conflit entre les aspirations individuelles et les conventions sociales. Les individus qu’il plonge dans les contradictions ont désormais une profondeur grâce à laquelle son lecteur les accompagne sans éprouver le besoin de juger leurs comportements. Lancés sur une trajectoire en partie imprévisible, ils sont des chevaux fous capables de remettre en question tout ce que l’on croyait acquis : seules leurs certitudes ont quelque valeur à leurs propres yeux. Cette cohérence les conduit vers des dangers qu’ils n’ignorent pas mais dont les conséquences ne les effraient guère : plutôt mourir qu’être infidèle à ses principes.
Pour en témoigner, Teresa porte une parole vibrant d’authenticité. Elle est bien celle à qui on s’attachera le plus facilement.
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