La fois précédente, en 2009, Les heures souterraines s’était trouvé dans le dernier carré du Goncourt, sélection finale avant le prix. Rien ne s’oppose à la nuit, en 2011, a reçu dès le début de la saison de rentrée littéraire le prix du roman Fnac. Il n'y avait pas de temps à perdre, en effet, pour découvrir et faire découvrir un livre bouleversant, dont la carrière auprès des lecteurs s'est poursuivie de manière exemplaire, accompagnée d'autres prix littéraires: prix Renaudot des lycéens 2011, prix du roman France Télévisions 2011 et Grand prix des lectrices de Elle 2012. Pas mal, et la réédition au format de poche, aujourd'hui, devrait élargir le cercle.
Malgré la mention du genre, c'est à peine un roman. Il s'agit plutôt d'une quête personnelle pour s’approcher de Lucile, la mère suicidée après plusieurs épisodes délirants qui seraient presque drôles si deux enfants n’en avaient été les victimes désemparées.
Le sujet du livre est proche et lointain. Delphine de Vigan, qui raconte l’enfance de sa mère à la troisième personne avant de s’afficher comme la narratrice, savait certaines choses de Lucile. Pas toutes. Et surtout pas les plus terribles moments d’une enfance apparemment privilégiée, portée par la beauté d’une fillette dont on s’arrachait le visage et la silhouette pour des photos publicitaires. La romancière sait qu’elle va vers quelque chose de dur : « Ma mère constituait un champ trop vaste, trop sombre, trop désespéré : trop casse-gueule en résumé. » Dans sa famille nombreuse, Lucile a rencontré la mort, le handicap, et une violence longtemps tue qui déboule, à la moitié du livre, pour le faire basculer du côté sombre des familles.
On n’en dira pas trop, parce que Rien ne s’oppose à la nuit (un titre tiré de la chanson d’Alain Bashung, Osez Joséphine) commence en demi-teinte et que l’effet de surprise créé par la révélation majeure est nécessaire à sa dynamique. Si le début peut sembler trop classique pour accrocher vraiment, la suite crée un irrésistible effet d’appel vers le dévoilement de tout le reste.
Peu classique, en revanche, est la manière dont Delphine de Vigan conduit son aventure – car c’en est une. Interrogeant les survivants de la famille, écoutant les cassettes enregistrées par son grand-père, elle rassemble des morceaux épars pour leur donner une cohérence. Mais elle est elle-même le fil conducteur de son récit. Et le doute est le sentiment qui l’accompagne le plus souvent : ai-je raison d’écrire ceci ? que vont en penser les autres ? pourquoi dire cela ? On ne sait ce qu’en pensent les membres de sa famille. Mais, de l’extérieur, Rien ne s’oppose à la nuit est un livre magnifique malgré sa noirceur. Ou grâce à elle.
Quand tout le monde en parle, je préfère laisser passer du temps pour retrouver le livre "dans sa fraîcheur", si j'ose dire. Cette sortie en poche va sans doute me décider.
RépondreSupprimerJe découvre avec plaisir votre "Journal d'un lecteur", j'y reviendrai.