vendredi 4 janvier 2013

Henning Mankell : une vengeance qui traverse le temps


Maintenant qu’il s’est débarrassé de Wallander dans L’homme inquiet, que devient son créateur ? Henning Mankell va bien, à en juger d’après Le Chinois, la plus récente traduction d’un de ses romans. La première page laisse pourtant croire à un documentaire animalier : un loup venu de Norvège glisse dans l’hiver suédois à la recherche de sa pitance. L’écrivain se serait-il reconverti dans un nouveau genre ? Non : page suivante, le loup se nourrit d’un cadavre. Ce repas est, loin des hommes, le premier signe de ce que ceux-ci découvriront ensuite : un carnage dans un village dont presque tous les habitants ont été exécutés avec, semble-t-il, une grande cruauté. Dix-neuf morts, tous âgés, sauf un enfant. Et quelques rares survivants, qui n’ont rien vu, rien entendu.
Vivi Sundberg est une bonne enquêtrice. Quoiqu’un peu trop fidèle aux procédures. Quand Birgitta Roslin, juge, plus encline aux intuitions et aux rapprochements inattendus, pénètre sur la scène de crime, parce qu’elle est la lointaine parente de victimes et non parce qu’elle travaille sur l’affaire, la policière n’aura très vite qu’une envie : la voir partir très loin. Roslin dérange le bel ordonnancement des dossiers, elle emprunte même discrètement, dans une maison du village, des carnets qui racontent une étrange histoire. C’était au temps de la construction des chemins de fer, aux Etats-Unis, quand un de ses ancêtres dirigeait en despote des compagnies d’ouvriers parmi lesquels il détestait particulièrement les Chinois.
Birgitta Roslin va, en effet, partir très loin. En Chine, précisément, tandis que les fils de l’énigme se déploient aussi en terre africaine, au Mozambique et au Zimbabwe – où la Chinafrique montre, de son visage, ce qu’il a de plus hideux. Un morceau de ruban trouvé dans le village sanglant sert de fil rouge (c’est la couleur du ruban) pour un long jeu de piste parsemé de pièges. Henning Mankell semble les ouvrir à plaisir sous les pieds de Roslin, exposée sans prudence à une vengeance qui a traversé le temps.

Et le loup ? Henning Mankell ne l’a pas oublié non plus, puisque ce diable de romancier ne lâche rien en chemin. Il reviendra donc, tout à la fin, comme un clin d’œil qui referme un livre aussi touffu qu’entraînant.

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