Maintenant qu’il s’est
débarrassé de Wallander dans L’homme
inquiet, que devient son créateur ? Henning Mankell va bien, à en
juger d’après Le Chinois, la plus
récente traduction d’un de ses romans. La première page laisse pourtant croire
à un documentaire animalier : un loup venu de Norvège glisse dans l’hiver
suédois à la recherche de sa pitance. L’écrivain se serait-il reconverti dans
un nouveau genre ? Non : page suivante, le loup se nourrit d’un cadavre.
Ce repas est, loin des hommes, le premier signe de ce que ceux-ci découvriront
ensuite : un carnage dans un village dont presque tous les habitants ont
été exécutés avec, semble-t-il, une grande cruauté. Dix-neuf morts, tous âgés,
sauf un enfant. Et quelques rares survivants, qui n’ont rien vu, rien entendu.
Vivi Sundberg est une
bonne enquêtrice. Quoiqu’un peu trop fidèle aux procédures. Quand Birgitta
Roslin, juge, plus encline aux intuitions et aux rapprochements inattendus,
pénètre sur la scène de crime, parce qu’elle est la lointaine parente de
victimes et non parce qu’elle travaille sur l’affaire, la policière n’aura très
vite qu’une envie : la voir partir très loin. Roslin dérange le bel
ordonnancement des dossiers, elle emprunte même discrètement, dans une maison
du village, des carnets qui racontent une étrange histoire. C’était au temps de
la construction des chemins de fer, aux Etats-Unis, quand un de ses ancêtres
dirigeait en despote des compagnies d’ouvriers parmi lesquels il détestait
particulièrement les Chinois.
Birgitta Roslin va, en
effet, partir très loin. En Chine, précisément, tandis que les fils de l’énigme
se déploient aussi en terre africaine, au Mozambique et au Zimbabwe – où la
Chinafrique montre, de son visage, ce qu’il a de plus hideux. Un morceau de
ruban trouvé dans le village sanglant sert de fil rouge (c’est la couleur du
ruban) pour un long jeu de piste parsemé de pièges. Henning Mankell semble les
ouvrir à plaisir sous les pieds de Roslin, exposée sans prudence à une
vengeance qui a traversé le temps.
Et le loup ? Henning Mankell ne l’a pas
oublié non plus, puisque ce diable de romancier ne lâche rien en chemin. Il
reviendra donc, tout à la fin, comme un clin d’œil qui referme un livre aussi
touffu qu’entraînant.
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