Ses romans sont si imposants qu’on en oublie presque le T.C.
Boyle nouvelliste. L’enfant sauvage,
texte paru en anglais l’an dernier dans un recueil de nouvelles auquel il donne
son titre, a la dimension d’une « novella », court roman qui méritait
bien une publication en volume.
Même titre, même sujet : comme François Truffaut, l’écrivain américain parle de Victor de l’Aveyron, d’après le Rapport et le Mémoire que publia à son sujet, en 1801 et 1807, le docteur Jean
Itard. Celui-ci avait pris en charge le jeune enfant trouvé, à moins qu’il soit
plus exact d’écrire capturé, une première fois fin 1797 par trois bûcherons
après avoir été aperçu rôdant aux environs de Lacaune, dans le Tarn. Il
s’enfuit, il est repris deux ans plus tard à Saint-Sernin, dans l’Aveyron –
d’où son surnom.
Jean Itard, qui tentera de fournir à l’enfant un
enseignement de base, passe assez rapidement sur les premières apparitions de
celui qu’il baptisera Victor. Ses écrits portent surtout sur la manière dont il
tente de fournir à l’esprit du petit sauvage les lumières du savoir. La parole,
l’écriture, la moralité semblent des territoires si lointains que Victor refuse
de les aborder, ou n’y parvient pas. Qu’il les craigne ou les rejette, il
s’oppose en tout cas souvent à la manière dont Itard veut lui en fournir les
clés. L’apprentissage tâtonne : le cas est inédit et les recherches sur
les sourds et muets sont mises à contribution, avec de faibles résultats. Mais
des résultats quand même, rétorque le médecin à ses adversaires. Pour ceux-ci,
Victor est incurable et inéducable, son comportement est scandaleux, il faut
arrêter les frais…
L’histoire est donc connue, et T.C. Boyle ne s’en écarte pas. Mais, dans
les marges des travaux d’Itard, il ajoute tous les détails auxquels le médecin
ne s’est pas intéressé. La découverte initiale de Victor, qui n’a pas encore de
nom et que les paysans prendront parfois pour un animal, voire une créature du
diable, fait l’objet de scènes épiques, pleines de violence et de poursuites
échevelées dans la campagne. Ce début gagne beaucoup au traitement que lui fait
subir le romancier, débordant les faits relatés par Itard pour leur donner du
relief et offrant aux protagonistes de cette affaire la dimension de véritables
personnages. L’écrivain américain n’oublie pas pour autant le contexte :
quelques années après la Révolution française, les idées de Jean-Jacques
Rousseau ont fait leur chemin, et le Bon Sauvage n’est pas loin.
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