Un écrivain en manque d’inspiration (Arnaud Delalande
lui-même ?) cherche un sujet pour mettre en route son prochain livre. Ce
qu’il veut ? « Je ne sais pas…
Une histoire… Des gens extraordinaires… » Admettons, bien que la
qualité de la matière romanesque n’entraîne pas toujours sa réussite. Au risque
d’enfoncer une porte ouverte depuis longtemps, mais l’auteur y oblige presque,
répétons qu’il n’y a ni bon ni mauvais sujet, seulement une bonne ou une
mauvaise de le traiter. Heureusement, Arnaud Delalande ne se contentera pas,
dans Le jardin des larmes, d’avoir
trouvé des personnages hors du commun.
Ceux-ci, d’ailleurs, n’excitent pas trop le narrateur la
première fois qu’il les rencontre. Il est au Sénégal où il rend visite, en mai
2010, à son ami Julien. Qui lui propose de le confronter au monde réel en lui
présentant Sébastien Gil et Lise Lancelin. Sans manifester d’empressement à les
écouter, l’écrivain se laisse pourtant faire et est rapidement emporté dans des
récits menés en parallèle, comparables par leur intensité et différents par les
lieux et les circonstances ainsi que par les enseignements et les blessures qui
en découlent.
Sébastien et Lise sont des « humanitaires », comme
on dit. Ils ne l’ont pas toujours été. Ils sont arrivés dans le circuit par des
voies détournées, empruntées peut-être en raison de déceptions dans leur
parcours personnel. Toujours est-il qu’ils se sont trouvés sur les lieux de
deux grandes catastrophes. L’une a été provoquée par l’homme : Lise était
sage-femme au Rwanda en avril 1994 où elle a vécu les premiers jours du
génocide avant d’être évacuée. L’autre était un phénomène naturel : en
poste au Sri Lanka en décembre 2004, Sébastien a dû faire face à un tsunami meurtrier.
Le roman utilise davantage la vague et ses effets que le
génocide. Le prologue, destiné à frapper l’esprit du lecteur, et qui y réussit
très bien, impose la vision d’une scène sur laquelle on reviendra plusieurs
fois, ainsi que sur le garagiste qui découvre presque en même temps une
population en fuite devant chez lui et la raison de cette fuite : le
tsunami qui déferle dans sa direction.
Les deux événements ont marqué Lise et Sébastien de manière
indélébile. Elle ne s’est jamais remise de ce qu’elle a vu, et encore moins
d’avoir dû abandonner les gens avec qui elle vivait à N’Tamena, les femmes et
les enfants qu’elle soignait. Il ne s’est pas davantage remis de ce qu’il a vu,
et encore moins d’avoir dû subir les pressions de sa direction, désireuse
d’utiliser la catastrophe pour médiatiser son action, oublieuse des vrais
enjeux.
A travers Lise et Sébastien, Arnaud Delalande rend hommage aux acteurs
souvent anonymes de l’action humanitaire. Des gens extraordinaires, en effet. A
travers leur histoire, il montre aussi quelques-unes des ambiguïtés sur
lesquelles repose le fonctionnement de nombreuses ONG, ainsi que l’abîme où
tombent ces gens extraordinaires quand leur investissement personnel se heurte
à des enjeux qui les dépassent.
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