Stephen King vient de publier un petit livre numérique - sorti vendredi, il est en tête des meilleures ventes de non fiction chez Amazon. Guns, comme son titre l'indique, parle d'armes et apporte donc la contribution de l'écrivain à un vieux débat qui a repris de la vigueur ces derniers temps, suite à quelques faits divers sanglants et à la réaction de Barack Obama après ceux-ci. Peut-être faudrait-il limiter la circulation des armes aux Etats-Unis?
Pour rappel, le Deuxième Amendement de la Constitution des Etats-Unis, auquel s'accrochent les partisans d'une vente libre des armes, garantit le droit des citoyens à détenir des armes: "Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé."
Ce n'est peut-être pas ici le lieu idéal (et je ne suis pas la personne la plus compétente) pour détailler les arguments de Stephen King en faveur d'une certaine réglementation - il ne plaide pas pour une interdiction, mais il aimerait malgré tout que les choses soient mieux encadrées. Deux ou trois choses, quand même.
Son bref essai s'ouvre par un chapitre saisissant qui détaille, en vingt-deux points, les étapes de la médiatisation quand une fusillade éclate dans un établissement scolaire. Tout est là de la manière dont se déroulent les événements, y compris, au point 19, l'argumentation de la NRA (National Rifle Association, en faveur d'une interprétation non restrictive du Deuxième Amendement): "La NRA ne va pas jusqu'à dire que les victimes sont à blâmer pour avoir pensé qu'elles pouvaient vivre en Amérique sans avoir une arme sur elles ou dans leur sac, mais il est difficile de ne pas entendre le raisonnement."
Stephen King refuse l'affirmation selon laquelle les Etats-Unis vivent dans une culture de la violence. Son analyse des grands succès, qu'il s'agisse de livres, de films, de jeux vidéo ou d'émissions de télévision, tend à renforcer son refus. "Affirmer que la culture de la violence de l'Amérique est responsable des fusillades dans les écoles équivaut, pour les cigarettiers, à dire que la pollution de l'air est la principale cause du cancer du poumon."
Il ne propose pas de solution radicale, mais des mesures raisonnables visant à limiter le danger de cet arsenal en libre circulation. Cela semble réaliste et prudent.
Mais à quel titre mériterait-il d'être entendu?
Son premier roman, non publié dans un premier temps, mais qu'il a ensuite repris et retravaillé, est paru en 1977, signé Richard Bachman, sous le titre: Rage. (Il a été traduit en français en 1990, sous le même titre.) il raconte l'histoire d'un élève qui emporte une arme à l'école, tue son professeur d'algèbre et prend sa classe en otage.
Quatre fois au moins, des faits divers similaires ont été, dans les années suivantes, reliés à ce livre. En Californie, en 1988, Jeffrey Line Cox reproduit, à l'assassinat d'un professeur près (il n'y a pas eu de victimes), le schéma du roman. Quand la police lui demandera ce qui a inspiré son geste, il répondra, selon Stephen King dans Guns: "Une histoire de pirate de l'air à la TV - et un roman intitulé Rage."
Après la reproduction de faits divers étrangement proches, Stephen King finira, en 1999, par demander à son éditeur de retirer le livre de la vente. Personne ne le lui avait demandé (le Premier Amendement, garantissant la liberté d'expression, rendait impossible une telle demande) mais il s'était senti responsable - pas coupable, la nuance est importante. "Mon livre [...] n'a pas fait d'eux des assassins; ils ont trouvé dans mon livre quelque chose qui leur parlait parce qu'ils étaient déjà brisés. [...] Vous ne laissez pas un bidon d'essence là où un garçon aux tendances pyromanes peut mettre la main dessus."
Belle réflexion, en tout cas, sur la place de l'écrivain dans la société...
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