Que reste-t-il,
aujourd’hui, de H.G. Wells et de son œuvre ? Lit-on encore ce pionnier de
la science-fiction ? Se souvient-on de l’effet que fit, aux Etats-Unis, La guerre des mondes dans une adaptation
radiophonique d’Orson Welles en 1938 ? Sait-on assez qu’il est en outre
l’auteur de La machine à explorer le
temps, L’île du docteur Moreau, L’homme invisible, Les premiers hommes dans la lune, ou de La guerre dans les airs, brève liste de titres choisis dans une
bibliographie surabondante, et dont bien d’autres écrivains se satisferaient
d’être les auteurs ?
Il était cela, H.G. (pour
les intimes). Et bien d’autres choses, comme le montre magistralement David
Lodge dans un roman biographique qui est le pendant d’un livre précédent, L’auteur ! L’auteur !,
consacré à Henry James. Celui-ci fait d’ailleurs quelques apparitions dans Un homme de tempérament. Wells se situe
lui-même, dans le paysage littéraire, à l’exact opposé de James. Un des
entretiens imaginaires menés avec Wells, au cours desquels celui-ci est parfois
malmené par son interlocuteur, pose la question de savoir si le romancier est
considéré comme un grand écrivain. La réponse fuse : « j’ai abandonné cette ambition il y a bien longtemps – j’ai
laissé cela à Henry James et aux gens de son espèce. »
H.G. Wells manifeste son
tempérament sur trois terrains principaux.
D’abord, il est un
véritable visionnaire, comme l’atteste la part de son œuvre évoquée plus haut.
A quoi on peut ajouter l’« invention » des tanks, qu’il délaissera au
profit de l’aviation comme force militaire. Ainsi que, dans un entretien du
roman, la prescience supposée (on peut évidemment… supposer que David Lodge
s’est amusé à ce petit jeu) d’Internet et de Wikipédia : « Plus tard, j’ai essayé d’intéresser
les éditeurs à l’idée d’une encyclopédie qui engloberait toute la connaissance,
mais les difficultés de droits de reproduction étaient trop nombreuses. Mon
idée était qu’ils devaient être libres. J’imaginais une Société internationale
de l’Encyclopédie, qui conserverait et mettrait continuellement à jour sur
microfilm toute donnée de connaissance humaine vérifiable et les rendrait
universellement accessibles – une toile d’informations à l’échelle mondiale. »
Politiquement, il affiche
des convictions socialistes et milite, parfois avec maladresse, en faveur de
profondes modifications dans la société. Il y déploie beaucoup d’énergie mais
se trouve souvent en désaccord avec ses proches. Il a aussi l’intuition de la
nécessité d’un gouvernement mondial, supranational, et a pu se réjouir, l’année
précédant sa mort, de la signature du texte fondateur de la Charte des Nations
Unies. « C’était une cause à
laquelle il avait œuvré toute sa vie, et il avait personnellement joué un rôle
déterminant dans le comité de rédaction Sankey de la Déclaration des Droits de
l’Homme, qui fut incorporée à la Charte. »
Enfin, c’est sexuellement
que son tempérament s’exprime le mieux. Fervent partisan de l’amour libre, il
met ses théories en pratique – à moins qu’il ait adapté ses pratiques à la
théorie. Marié deux fois – seulement, a-t-on envie de commenter –, il multiplie
les liaisons, ce qui rend souvent sa vie compliquée à cette époque puritaine.
Il est séduisant, incapable de résister à une femme disponible et, plus fondamentalement :
« Je serai le premier à admettre que
j’ai besoin de nouveauté et de variété dans ma vie sexuelle. »
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