dimanche 14 avril 2013

L’Afrique de Mankell, hallucinante et réelle


Publié en suédois en 1990, L’œil du léopard est un des romans de Henning Mankell qui restaient à découvrir – d’autres suivront. Il avait, il a, tout ce qui fascine ses lecteurs aujourd’hui, et d’abord l’art de raconter une histoire. Son expérience de l’Afrique, utilisée dans de nombreux livres, était déjà grande – il y a mis les pieds pour la première fois en 1973, l’année où il publiait son premier roman. Nous y revoici, en Zambie cette fois, avec Hans Olofson, un jeune homme qui veut réaliser le rêve d’une amie morte : se rendre à Mutshatsha, sur les traces d’un missionnaire suédois. Il s’agit aussi pour lui d’accomplir ce dont son père, ancien marin devenu forestier alcoolique, n’est plus capable : quitter le village et voir le monde.
Dès qu’il arrive à Lusaka en septembre 1969, il rencontre la peur. Rien de ce qui lui arrive ne ressemble à ce qu’il a déjà vécu et il craint pire encore. D’autant que des Blancs rencontrés sur la route vers Mutshatsha lui expliquent comment le pays se déglingue depuis l’indépendance, et à quel point la population locale est dangereuse. Mais Hans n’est là que pour quelques jours, le temps de son pèlerinage, il se contente donc d’écouter et d’émettre quelques remarques moins racistes. Rapidement balayées, bien entendu, par ceux qui vivent sur place et connaissent la réalité.
Et puis, au lieu de repartir très vite en Suède, Hans se laisse entraîner par les circonstances. Presque vingt ans plus tard, il est encore là. Souffrant de crises de palu et de peurs paniques provoquées pour partie par des hallucinations, pour une autre par des violences bien réelles autour de lui. Il a beau essayer de les comprendre, il a atteint un stade où, plus il en sait, plus le monde africain est inintelligible. Il s’est pourtant approché très près des origines de l’antagonisme meurtrier entre les Blancs et les Noirs, en particulier lors de conversations avec un ami journaliste africain. Mais le dernier mot ne peut rester qu’aux faits.
Parmi ceux-ci, une devinette : « Quel est le pays africain qui reçoit la plus grande aide européenne ? […] C’est la Suisse. Des fonds destinés au développement des pays africains viennent approvisionner des comptes anonymes en Suisse. »
Sans jeu de mots, tout n’est pas blanc ou noir dans L’œil du léopard. Par l’intermédiaire d’un personnage qui refuse les idées reçues, même quand elles paraissent se confirmer, Henning Mankell fait le portrait d’un pays d’Afrique déchiré par la haine.

2 commentaires:

  1. j aime cet auteur je n ai pas lu celui ci mais beaucoup d autres

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  2. Je me suis passionnée pour Mankell au travers des enquêtes de Wallander, et par là même pour la littérature policière nordique que je continue à dévorer. Puis j'ai tenté Mankell l'Africain, avec Le Cerveau de Kennedy (le titre m'intriguait). Quel choc! Fascination et cruauté se mêlent. On ne peut pas rester indifférent. Ne pas refuser les idées reçues, ouvrir les yeux, mais à quel prix?
    Bravo pour vos blogs!

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