Gould, personnage
récurrent des livres de Bernard Quiriny, confie à un ami les secrets de sa
bibliothèque et de sa vie. Cet ami, narrateur de deuxième main, est aussi
écrivain. Soumis, bien malgré lui, à l’exigence sourcilleuse de Gould. Ce qui
le conduit, par deux fois, à rejeter un travail en cours.
Gould est doté d’un flair
infaillible qui le fait tomber en arrêt, comme un chien de chasse, quand il
sent l’odeur de la littérature. Le déclic se produit n’importe où et à n’importe
quel moment, il se met alors à suivre la piste que son nez lui a indiquée,
sonne chez quelqu’un, n’en ressortira qu’une œuvre rare à la main. Le narrateur
tente une expérience : « Sur l’itinéraire
de notre promenade habituelle, j’ai dissimulé le texte d’un roman auquel je
travaillais depuis des mois, en me demandant s’il stimulerait ses capteurs. »
Mais Gould passe sans sourciller à trois mètres d’un manuscrit qu’il faut donc
bien considérer comme sans valeur et détruire.
Un autre jour, Gould lui
montre la partie de sa bibliothèque qui dégage de l’énergie. Une petite ampoule
approchée d’un livre doté de ce pouvoir s’allume. D’autres dégagent de la
chaleur ou une force magnétique. « L’explication
est à mon avis la suivante : leurs auteurs ont mis tant d’ardeur dans l’écriture,
ils se sont consacrés à leur œuvre avec une telle énergie que leurs livres
aussi en sont chargés. » De retour chez lui, le narrateur tente
l’expérience : « je dévisse l'ampoule
de ma lampe de bureau pour la mettre en contact avec le roman que je peine à
écrire depuis des semaines. Rien ne se passe, hélas, et je résiste à l’envie de
tout jeter à la poubelle. »
Les nouvelles d’Une collection très particulière sont, à
proprement parler, au nombre de neuf. Elles détaillent, avec une précision
maniaque, les sections les plus singulières de la bibliothèque de Gould. Les
livres oubliés par leurs auteurs au fur et à mesure qu’ils les écrivent, ceux
que les lecteurs ne peuvent retenir, ceux que seule une tenue correcte rend
intelligibles, etc. L’ensemble, bien qu’éparpillé dans le recueil de nouvelles,
est un étrange florilège de projets littéraires rompant radicalement avec ceux
qu’on trouve habituellement dans une bibliothèque.
Bernard Quiriny mène ces
descriptions avec un irrésistible mélange de sérieux et d’humour. Il utilise
toutes les ressources d’une fausse érudition très au point. Et ne s’en contente
pas puisqu’il intercale, entre les neuf nouvelles qui donnent son titre au
recueil, d’autres explorations improbables, dont deux, consacrées
respectivement à dix villes et à notre époque, sont elles aussi numérotées.
Comment s’y retrouver en effet dans tant de fantaisie sans y introduire un peu
d’ordre ?
Les plus courtes ne sont
pas toujours les meilleures, mais profitons de ce qu’une ville a droit à deux
lignes seulement pour glisser une citation : « Pleins de confiance, les fondateurs de Livoni construisirent la
ville au pied d’un volcan qu’ils croyaient éteint. » Dans d’autres
lieux règne le silence, ou tout ce qui y a été vécu est imprimé à jamais dans
la mémoire, ou les rues sont nommées d’après un seul homme, dont tout le monde
ignore qui il était…
Quant à notre époque, il vaut mieux aller voir dans ces pages à quoi elle pourrait ressembler. Nous vous le dirions que vous ne nous croiriez pas. Tandis que, à l’intérieur de ces collections étranges et étrangement intelligentes, ses caractéristiques, sans être prévisibles, ne surprennent plus.
Quant à notre époque, il vaut mieux aller voir dans ces pages à quoi elle pourrait ressembler. Nous vous le dirions que vous ne nous croiriez pas. Tandis que, à l’intérieur de ces collections étranges et étrangement intelligentes, ses caractéristiques, sans être prévisibles, ne surprennent plus.
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