samedi 16 janvier 2010

Folio n° 5000 : Annie Ernaux

Je suis certain de ne pas me tromper: quand une collection où les ouvrages portent des numéros passe un cap plein de zéros, les éditeurs prêtent une attention particulière au titre qui va être le millième, le deux millième, etc. Dans la collection Folio, je demande (et recommande) par exemple le n° 1000: Les fleurs bleues, de Raymond Queneau, paru en 1978. Le n° 2000: Le chercheur d'or, de Le Clézio, en 1988. Le n° 3000, Monsieur Malaussène, de Daniel Pennac, en 1997. Le n° 4000, La tache, de Philip Roth, en 2004. Et, arrivé en librairie cette semaine, le n° 5000, Les années, d'Annie Ernaux. Un tout petit club. Et des livres de grande qualité.
Je n'avais pas lu celui-ci à sa sortie. Pour être tout à fait honnête, je m'étais un peu détaché d'Annie Ernaux dont les premiers ouvrages m'avaient pourtant beaucoup marqué. Mais j'avais l'impression qu'elle tournait en rond. Les années prouve tout le contraire: à travers une soixantaine d'années de souvenirs qui, pour la plupart, sont communs à bien des gens, elle rend concret le passage du temps. Dans les dernières pages, elle décrit la forme prise par son projet:
Ce ne sera pas un travail de remémoration, tel qu'on l'entend généralement, visant à la mise en récit d'une vie, à une explication de soi. Elle ne regardera en elle-même que pour y retrouver le monde, la mémoire et l'imaginaire des jours passés du monde, saisir le changement des idées, des croyances et de la sensibilité, la transformation des personnes et du sujet, qu'elle a connus et qui ne sont rien, peut-être, auprès de ceux qu'auront connus sa petite-fille et tous les vivants en 2070. Traquer des sensations déjà là, encore sans nom, comme celle qui la fait écrire.
L'ambition était grande. La réussite est complète. Et pleine de choses partagées.
Au milieu des années quatre-vingt-dix, les enfants bientôt trentenaires conseillaient d'aller voir C'est arrivé près de chez vous et Reservoir Dogs.

Je n'ai, quel scandale!, jamais vu Reservoir Dogs. Mais, c'est promis (promesse faite à moi-même), je ne le manquerai pas la prochaine fois que j'ai l'occasion de le voir. D'autant que le film de Quentin Tarantino est cité aussi dans le nouveau roman de Luis Sepulveda, L'ombre de ce que nous avons été. Coco Aravena, un des ses personnages, le trouve supérieur à Pulp Fiction. Il a peut-être raison, il faudra donc vérifier. Après avoir lu, bien entendu, le livre de Sepulveda.
Le nouveau roman de Luis Sepúlveda est dédié «A mes camarades, ces hommes et ces femmes qui sont tombés, se sont relevés, ont soigné leurs blessures, conservé leurs rires, sauvé la joie et continué à marcher.» Une explication s’impose avant d’en arriver au texte. Quand Salvador Allende devient président du Chili en novembre 1970, il incarne l’espoir d’une gauche à laquelle appartient Luis Sepúlveda, 21 ans alors. Le militant aux Jeunesses communistes est, comme beaucoup d’autres, arrêté après le coup d’Etat du 11 septembre 1973 qui place Pinochet au pouvoir. Condamné à vingt-huit ans de prison, il est libéré en 1977 mais contraint de s’exiler. La démocratie ne reviendra dans son pays qu’en 1990, mais Pinochet y restera encore huit ans commandant en chef de l’armée.

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