Sofi Oksanen a été remarquée en Finlande dès la publication de son premier roman (Stalinin lehmät, 2003). Elle renouvelle son succès deux ans plus tard avec Baby Jane avant de crouler sous les prix littéraires depuis 2008 et la sortie de Purge, dont elle avait d’abord fait une pièce de théâtre. Ils sont, disons-le tout de suite, justifiés.
Aliide Truu, une vieille Estonienne, est en 1992 une femme presque solitaire. Ce matin-là, elle aperçoit un ballot dans son jardin. Qui a déposé cela? Le ballot se révèle être une jeune femme dans un drôle d’état, pareille à un animal épuisé qui aurait fini là, incapable d’aller plus loin. Aliide n’aime pas ça. Son premier réflexe est toujours la méfiance. Depuis longtemps, pour elle, le moindre événement inhabituel est susceptible de cacher un danger. Zara, quand elle commence à parler, dit qu’elle voyageait avec son mari, qu’elle s’est enfuie. Il s’agit peut-être d’un piège tendu par des voleurs prêts à s’introduire chez Aliide…
Celle-ci a bien des raisons de se sentir menacée. Son pays, qui avait acquis l’indépendance en 1920 après une guerre de libération, a été occupé par l’URSS en 1940, puis par l’Allemagne et à nouveau par les Soviétiques à partir de 1944. Déportations et exterminations ont marqué ces épisodes qui ne se sont achevés qu’en 1991, soit un an avant le début du roman, avec le retour de l’indépendance.
Sofi Oksanen, qui fournit la chronologie en fin de volume, utilise aussi le passé dans le récit. Ses personnages vivent avec lui, en particulier Aliide, en raison de son âge: depuis la fin des années 1930, elle a traversé tous les soubresauts de son pays. Son histoire personnelle en a été modifiée en profondeur. Mais Zara, bien que plongée depuis peu de temps dans un tout autre genre d’aventure, où son rêve de richesse s’est transformé en servitude sexuelle, croit savoir que ces épisodes lointains ont eu une influence sur son destin. Elle aimerait comprendre comment. Et, contrairement à ce qu’elle veut faire croire à Aliide, elle n’est pas arrivée chez elle par hasard.
Purge est un livre tendu de silences. Ils masquent pudiquement une vérité qui ne semble pas bonne à dire. Le lecteur y accédera pourtant, ainsi que, partiellement, Zara. Dont l’histoire n’est peut-être pas finie – il reste à l’imaginer. Tandis que défilent devant nos yeux des rapports d’agents plus ou moins clandestins décrivant les activités louches, forcément louches, d’Aliide et de quelques autres personnages dans les années quarante.
Purge est aussi à observer dans les détails. Le vol d’une mouche, qui ouvre le roman, en est un magnifique exemple. C’est ainsi qu’on découvre Aliide, les yeux fixés sur cette mouche qui semble la défier, avant que son regard traversant la vitre la conduise à s’intéresser au ballot dont nous parlions plus haut.
Modèle d’équilibre entre les éléments qui le composent, Purge est une belle découverte.
ah, chic, un livre que j'ai lu... Et que je n'ai hélas pas fini. Ce n'est pas à cause de la forme (qui est effectivement travaillée à l'extrême), ni du propos. C'est que j'étais dans une période où la souffrance attachée aux destins féminins m'était vraiment trop pénible (millénium était passé par là) et surtout que je soupçonnais les auteurs d'en "jouer"... Bon, du temps a passé, et vous en dites du bien. Réessayer ?
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