mercredi 8 février 2012

Peut-être Yann Moix n'aime-t-il pas lire...

Yann Moix se fait encore remarquer. Il adore ça. Et pratique volontiers l'excès pour être certain de s'offrir un bref moment de gloire. Après Frédéric Beigbeder, il s'en prend lui aussi au livre électronique dans un article de La Règle du jeu: L'orgie numérique ou comment et pourquoi détester l'e-book, en se basant sur quelques affirmations péremptoires. Du genre, dès les premières phrases: "L’e-book s’arrache et on sait bien pourquoi : c’est le livre qu’il s’agissait de tuer. Le livre fait peur: il intimide. Il s’agissait d’avoir sa peau. C’est pratiquement fait." 
Nous ne sommes pas dans la nuance. Argumentation (je simplifie à peine, car il est difficile de faire plus simpliste que Yann Moix): télécharger l'intégrale de Balzac ou de Proust, c'est se donner une bonne raison de ne pas lire les livres. "Le but du jeu est d’enterrer à jamais les œuvres par le seul fait de les posséder toutes. Posséder tout Balzac revient à obtenir la permission de ne jamais avoir à en lire une ligne."
Lire, voilà bien l'enjeu - et la seule chose sur laquelle Yann Moix ne se trompe pas. Mais quelle importance si on lit sur papier bible ou recyclé, mat ou brillant, blanc ou crème? Ou (attention, la proposition suivante va faire mal, très mal!) sur écran? N'en déplaise à MM. Beigbeder et Moix, la démarche est la même, motivée par le seul plaisir de lire - je n'entre pas ici dans le débat qui consiste à décider si le livre numérique peut être l'exacte reproduction d'une édition papier ou doit bénéficier, par l'apport de musique ou d'hyperliens, des possibilités de la machine.
Hier, j'ai lu sur écran le roman d’Élise Fontenaille, Les disparues de Vancouver, réédité aujourd'hui en poche, et celui de Daniel Pennac, Journal d'un corps, qui paraît demain. Je m'apprête à (re)lire sur papier Le froid, de Thomas Bernhard, probablement photographié à partir de l'édition originale plutôt que repassé par la phase composition, car la typographie est tremblée et presque baveuse. Je n'ai pas le choix de la police de caractères, ni de sa taille. Tandis que, celle dans laquelle se présentait le livre d’Élise Fontenaille ne me convenant pas, je l'ai modifiée en cinq secondes et deux manipulations.

Le premier qui voudrait me convaincre d'une lecture moins attentive, moins fine ou je ne sais quoi, des deux premiers ouvrages cités peut proposer toutes les explications qu'il veut, je ne le suivrai pas dans son raisonnement.
(Au passage, et à l'attention d'un lecteur qui ne fréquente d'ailleurs peut-être même pas ce blog, mais dont une remarque m'avait un peu énervé, je note que cela me fait, hier, environ 540 pages de lecture, sans précipitation ni sentiment de gavage.)
Plutôt que les anathèmes lancés contre l'e-book avec une foi aveugle dans le livre papier, je préfère la nuance romanesque introduite, à propos de livres numériques, par Paul Fournel dans La liseuse. Où un éditeur tout ce qu'il y a de plus traditionnel, bousculé par une stagiaire dynamique, découvre avec un peu d'appréhension les possibilités offertes par une liseuse de 730 grammes dans laquelle sont rangés tous les manuscrits qu'il doit lire. Certes, il finira par revenir aux bons vieux volumes de papier, mais du moins a-t-il fait, dans l'intervalle, une expérience enrichissante. (J'ai lu le roman de Paul Fournel sur écran, faut-il le préciser?)

1 commentaire:

  1. Bof, le livre numérique n'est en rien une vraie rupture, ce sont les mêmes qui vont écrire ce genre de choses, et qui se sont adonnés comme des petits cochons au viol du terme virtuel depuis 93 par là et courant années 2000.
    «Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie !» Rimbaud
    ou :
    « Notes.
    Il a été démontré par la lettre — l’équivalent de la Fiction, et l’inanité de l’adaptation à l’Absolu de la Fiction d’un objet qui en ferait une convention absolue.
    » Mallarmé.
    Quand je lis ou relis vraiment je me fous du support, à condition qu'il n'y ait pas de bruit de ventilateur pénible.
    Par contre c'est vrai que l'éblouissement actuel pour les machines, le fait que l'on trouve tout à fait normal que cela se développe à travers 3 ou 4 monstres est assez incroyable, sans parler de l'Alzheimer tweetero facebookien geekesque.
    Mais oui chacun va se retrouver avec une bibliothèque plus "grosse", si tant est que la fin de l'explosion "énergie pas chère" depuis le début de la révolution industrielle, ne nous rattrape pas plus vite.
    En tout cas il faudrait quelque chose comme ça :
    http://iiscn.wordpress.com/2011/05/15/concepts-economie-numerique-draft/
    et aussi pour ça :
    http://iiscn.wordpress.com/2011/06/29/idenum-une-mauvaise-idee/
    Sachant que notre époque cela reste avant tout cela :
    http://iiscn.wordpress.com/2011/05/06/bataille-et-lenergie/

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