Les remous fascinants et effrayants des
Chutes du Niagara. Le bruit insoutenable. Les projections d’eau. La
destination parfaite pour un voyage de noces. Et l’autre face de la
ville américaine toute proche : le Love Canal, empli de déchets
toxiques, sur lequel s’empoisonnent des habitants sans défense. La
richesse et le drame. Parfois, le drame tout court dans un décor de
carte postale, quand un pasteur se jette dans les Chutes au lendemain
de son mariage.
Ariah, la jeune veuve, a eu alors le
sentiment d’être damnée. De n’avoir pas droit au bonheur. Ou
seulement de manière provisoire : quand le brillant avocat
célibataire et flambeur Dirk Burnaby la prend sous son aile, décide
avec sincérité de l’aimer pour toujours, Ariah s’engage très
vite au mépris de l’opinion publique dans un deuxième mariage,
convaincue cependant de ce que Dirk la quittera un jour. Et résolue
à reporter son affection sur ses enfants.
Joyce Carol Oates, romancière
généreuse, écrit plusieurs histoires en une. A elle seule, Ariah
possède trois vies, dont les deux premières sont chaque fois
gommées par la suivante – mais laissent des traces silencieuses
que ses enfants auront un jour le courage de retrouver. Les aspects
privés se doublent en outre de la tragique affaire de pollution
mortelle déjà évoquée. Dans laquelle Dirk, passionné pour une
cause juste – et ébranlé par son attirance pour la femme qui l’a
convaincu de se battre pour elle – laissera beaucoup plus que sa
réputation.
Au verso d’une jolie carte postale,
les mots semblent souvent d’avoir pas d’importance. Ici, ils se
gonflent de vagues terribles nourries de secrets délétères. Ils
emplissent un livre dans lequel on atteint très vite le point de
non-retour : le courant est puissant, il faut se laisser
emporter.
De la même manière que plusieurs
sujets s’interpénètrent, plusieurs lectures différentes, selon
la sensibilité de chacun, peuvent être faites des Chutes.
Aucune ne sera neutre, tant la passion affleure chez tous les
personnages.
P.-S. Le roman ressort dans une nouvelle collection de poche, Fugues, inaugurée aujourd'hui avec quatre premiers titres, dont celui-ci.
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