Comment s’est effectuée la retraite
(De notre envoyé spécial.)
Salonique,
11 décembre.
Arrivée le 12.
Voici secs et nets les faits qui se sont passés depuis huit
jours, du commencement de notre retraite à sa fin.
Le 1er décembre nous occupions, sur la rive
gauche de la Tcherna, Kavadar-Krivolak ; notre front avait soixante-cinq
kilomètres. Les deux raisons qui nous avaient fait occuper ces points, secourir
la Serbie et marcher de l’avant, n’existant plus et notre situation étant
hasardeuse, la retraite fut décidée.
Le 2 décembre commença l’évacuation de Krivolak. En
nous retirant nous fîmes sauter le pont de Vauzarcis et le pont de Varco sur la
Tchernika et celui de Ribartchi sur Tcherna.
Pour faciliter notre mouvement en arrière, le général
Sarrail fit en sorte que l’ennemi crût qu’il changeait ses plans. Il élargit
ses positions sur la rive gauche du Vardar, il lui donna l’impression qu’il
allait marcher sur Ichtip, il se rendit maître, dans cette direction, de
plusieurs points.
L’ennemi, inquiet, nous attaqua furieusement, entre autres à
Brousnika ; il fut repoussé. Alors le général Sarrail s’assura une large
tête de pont sur la rive gauche de la Sarda et protégea par cette tête de pont
la retraite qui commença.
Sans abandonner un
caisson
Comme en nous portant sur les points extrêmes de Krivolak
nous pensions prendre l’offensive, nous avions, dans ce but, accumulé là de
grandes quantités de matériel. N’ayant pour moyen de transport qu’une route et
qu’un chemin de fer, et quel chemin de fer ! l’évacuation fut forcément
lente ; elle s’accomplit jusqu’au bout ; nous ne laissâmes pas un
caisson, et, après le matériel, nos troupes suivirent.
Cette première opération faite (vous savez depuis hier
qu’elle ne nous coûta que quelques hommes hors de combat) notre armée se trouva
sur le front Demir-Kapou. Elle établit immédiatement une large tête de pont en
avant du tunnel sur la rive gauche et la rive droite de la Tcherna. Les
Bulgares nous suivaient champ par champ, ils nous attaquèrent maintes fois,
entre autres à Dronovo sur notre gauche, et à Dublijani sur notre droite. Dans
une de ces affaires, les Bulgares ont été repoussés ; dans l’autre, ils
nous prirent une ligne de tranchées, mais notre tête de pont restait intacte et
c’est protégée par elle que pour la seconde fois l’évacuation s’opéra.
De nouvelles lignes
À Krivolak, nous avions encore une route ; à
Demir-Kapou nous n’avions que le Vardar et le chemin de fer ; ce fut
difficile et long. Les troupes parties, le matériel parti, l’ordre fut donné à
la tête de pont de partir aussi. Elle se retira, calmement, à la minute même
fixée par son chef. Nous avons fait sauter alors le tunnel, et, un peu plus
loin, le pont du kilomètre cent treize. Autour de ce kilomètre cent treize, une
nouvelle tête de pont fut établie, puis quand les troupes furent passées, la
tête de pont partit encore s’établir un peu plus bas, à Gradeck. Puis elle
partit encore un peu plus bas à Stroumitza.
Ainsi, petit à petit, notre front rétrécissait ; ainsi
nous sommes arrivés à de nouvelles lignes. Quatre divisions bulgares et un corps
de cavalerie nous collaient pas à pas.
Ce ne sont que des faits, mais une page glorieuse reste à
écrire, celle de l’armée française redescendant le Vardar au milieu des neiges.
Le Petit Journal, 13 décembre 1915.
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