Les adultes sont de
grands enfants. Leur vie est un jeu. Mais, comme ils ont grandi, ils y
investissent des sommes parfois considérables. Le narrateur, écrivain, est allé
à bonne école avec son grand-père : il l’accompagnait au tabac PMU,
l’après-midi écoutait Zitrone commenter le tiercé, puis comptabilisait les
pertes (le plus souvent) comme il avait compté, le matin, les tickets que le
grand-père, professeur de mathématiques, avait consciencieusement cochés.
L’élève surpassera le maître, ne misant qu’à coup presque sûr, accumulant des
gains réduits pour constituer une cagnotte de plus en plus importante,
compatissant aux malheurs de joueurs moins chanceux.
Encore la chance a-t-elle
peu de liens avec les statistiques.
Même si la théorie n’est
pas tout à fait inconnue, Christophe Donner s’applique à en donner une nouvelle
démonstration dans A quoi jouent les hommes. La grande aventure humaine qu’il y raconte commence au 19e
siècle et adopte d’ailleurs la forme quasi feuilletonesque d’un de ces romans
qui ont fait les beaux jours de la librairie à l’époque où les bookmakers
régnaient sur le monde des courses. A l’époque aussi où Joseph Oller invente et
impose le pari mutuel dont la vertu principale, celle qui est mise en évidence
pour convaincre les joueurs et les autorités, consiste à réguler les cotes des
chevaux afin d’éviter les variations entre parieurs. Bien sûr, la vertu
principale qu’y voit son créateur, accompagné par l’Etat, est la rente
régulière qu’en tirera la société organisatrice, bénéfice ponctionné d’un
pourcentage destiné au Trésor public, pour le plus grand bénéfice de l’une et
de l’autre. Quant au parieur, parfois il gagnera, souvent il perdra…
Voilà pour le mécanisme,
intégré depuis longtemps par les turfistes. Mais le roman de Christophe Donner,
s’il le rappelle, est loin de s’en contenter. Il met en scène des personnages,
dont certains correspondent d’ailleurs à des acteurs réels des événements. Il
fait aussi revivre la véritable guerre qui s’est déroulée entre les bookmakers
et les promoteurs du pari mutuel, avec coups bas et arsenal législatif alliés
au profit du… profit. C’est une véritable fresque sociale, aux ressorts pas
toujours très reluisants, mais qui fournit la matière, on vous le disait, d’un
feuilleton passionnant. Quand bien même on ne s’intéresserait pas du tout aux
courses de chevaux et aux paris qui les accompagnent comme un mal nécessaire, A quoi jouent les hommes mérite d’être
lu comme un grand roman épique dans lequel se reflète l’état d’un pays.
L’alter ego du narrateur est un chauffeur de taxi qui perd sans cesse aux courses. Le romancier lui offre la dernière réplique : « J’attire les vautours, il y a des types qui me regardent, ils me surveillent, le moindre truc, ils me piquent mon pognon, je ne sais pas comment ils font… c’est des spécialistes. » On ne peut mieux dire.
L’alter ego du narrateur est un chauffeur de taxi qui perd sans cesse aux courses. Le romancier lui offre la dernière réplique : « J’attire les vautours, il y a des types qui me regardent, ils me surveillent, le moindre truc, ils me piquent mon pognon, je ne sais pas comment ils font… c’est des spécialistes. » On ne peut mieux dire.
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