mardi 28 novembre 2017

Patrick Deville, Prix Roger Caillois

Un beau palmarès, le Prix Roger Caillois, dans lequel Actualitté relève les noms de Mario Vargas Llosa (2002), Carlos Fuentes (2003), Eduardo Halfon (2015), Édouard Glissant (1991), Roger Grenier (2008) ou Chantal Thomas (2014). On y ajoute maintenant ceux de Rodrigo Fresan pour la littérature latino-américaine, de Jean-François Billeter pour l'essai et surtout (à mes yeux) de Patrick Deville pour la littérature française. Il a publié, à la rentrée, Taba-Taba. En même temps reparaissaient, en un volume, ses cinq premiers romans.
Dans sa préface à Minuit, titre collectif de la réédition des cinq premiers romans de Patrick Deville publiés dans la maison d’édition du même nom, Bernard Comment veut éviter ce qu’il appelle le « travers » de chercher, dans les débuts d’un écrivain, ce qu’on en lit maintenant. Il y cède néanmoins, et il a raison. Car, outre le fait que ces fictions joueuses fournissent un plaisir intense, elles mettent en place quelques éléments d’un système qui ne demandait qu’à se développer. Et se développe, à travers une suite de douze romans dont Taba-Taba, qui vient de paraître, est le sixième.
En détournant avec élégance et humour les codes de quelques genres, romans noirs ou d’espionnage, Patrick Deville installait le doute dans des mécanismes de précision et, déjà, courait le monde. Sans, cependant, l’obstination avec il rapporte de toute la planète ses histoires vraies dans l’ensemble ouvert en 2004 avec Pura Vida, et dans lequel Peste & Choléra lui a valu, en 2012, le Prix Femina et un légitime élargissement de son lectorat.
Nourri de souvenirs personnels et d’archives familiales, Taba-Taba est le volume le plus français du grand cycle en cours de rédaction et de publication. Il est construit autour d’un axe obsessionnel : l’homme que le romancier, dans son enfance, a vu souvent se balancer en psalmodiant : « Taba-Taba-Taba / Taba-Taba-Taba ». Un fragile point de départ pour connaître quelqu’un dont on ne sait rien d’autre puisque les archives du Lazaret de Mindin, en face de Saint-Nazaire, où Taba-Taba – il n’aura d’autre nom que ce surnom – séjournait, ont disparu. Le lieu, où le narrateur a passé huit ans, côtoyant sans le savoir des fous qu’il n’appelait pas ainsi, trouve ses origines dans une mission préparatoire qui avait entamé ses travaux en 1860, année qui ouvre tous les romans de la série. Et qui ouvre sur des perspectives immenses où se croisent une foule de personnages et d’événements articulés en chapitres courts souvent terminés par une pirouette souriante. Ce n’est pas parce qu’il écrit à présent des « romans sans fiction » que Patrick Deville a renoncé à l’humour…
La fascination devant le projet et sa réussite plus éclatante à chaque nouvelle parution ne faiblit pas. Au contraire. Chaque roman pouvant en outre se lire sans qu’il soit nécessaire de connaître les précédents, on entre dans ce monde, le nôtre, par n’importe quelle porte. Elle invite toujours à faire ensuite une visite complète.

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