lundi 9 juillet 2018

Toutes les guerres de Karine Tuil

Karine Tuil n’est pas passée loin, avec L’insouciance, d’écrire le grand roman auquel elle pensait probablement en brassant une actualité effervescente avec les ressorts plus classiques des amours contrariées. Il lui a manqué un peu de hauteur pour y parvenir. Elle a donné un bon roman, ce qui n’est déjà pas mal mais ne gomme pas vraiment la déception.
Il est question de guerre dans L’insouciance – une insouciance qui sera, on le comprend vite, perdue. Romain Roller rentre d’Afghanistan où il a vu plusieurs compagnons exploser sur des mines et, parfois, y survivre. Lui-même souffre des symptômes propres aux combattants que les tensions ont brisés et sa vie de couple avec Agnès s’en trouve ébranlée. Romain se jette par terre, croyant à une bombe, quand la bouilloire siffle. Et il a rencontré, à Chypre où il était en séjour de décompression, Marion, une journaliste dont il est tombé amoureux.
Marion, il l’ignorait à ce moment, est l’épouse de François, un homme d’affaires qui a fait fortune dans la téléphonie mobile après avoir tâté du minitel rose et des peep-shows, et avant de rechercher la respectabilité en rachetant, avec d’autres, un quotidien. Si ce profil vous fait penser à quelqu’un, ce n’est probablement par hasard, malgré les précautions d’usage qui revendiquent la fiction. A la lecture, on manque de distance, la carrière de Xavier Niel se superpose à celle de François. La germination d’un roman se fait certes souvent dans le terreau du réel, encore faut-il qu’il pousse ses branches un peu plus loin.
Parmi les autres personnages clefs, notons encore Osman, devenu presque malgré lui un homme politique de premier plan, soumis néanmoins aux aléas d’une carrière fragile, surtout quand le président est capricieux, et placé en compétition avec sa compagne Sonia, réputée plus intelligente, proche du premier cercle du pouvoir.
De l’Afghanistan à Paris et à l’Irak, les conflits sont aussi économiques – et, on l’a dit, amoureux. La romancière y mêle des débats sur les origines, le respect (ou non) de l’autre, les communautarismes, on passe sur quelques thèmes jetés dans une grande marmite où le goût de chaque ingrédient ne se distingue plus vraiment de celui du voisin.
Mais ne désespérons pas : il suffit de lire L’insouciance en oubliant son ambition supposée pour passer quelques belles heures de divertissement. Ce qui n’était, de toute évidence, pas le seul but.

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