Karine Tuil n’est pas passée loin, avec L’insouciance, d’écrire le grand roman auquel elle pensait
probablement en brassant une actualité effervescente avec les ressorts plus
classiques des amours contrariées. Il lui a manqué un peu de hauteur pour y
parvenir. Elle a donné un bon roman, ce qui n’est déjà pas mal mais ne gomme
pas vraiment la déception.
Il est question de guerre dans L’insouciance – une insouciance qui sera, on le comprend vite,
perdue. Romain Roller rentre d’Afghanistan où il a vu plusieurs compagnons
exploser sur des mines et, parfois, y survivre. Lui-même souffre des symptômes
propres aux combattants que les tensions ont brisés et sa vie de couple avec
Agnès s’en trouve ébranlée. Romain se jette par terre, croyant à une bombe,
quand la bouilloire siffle. Et il a rencontré, à Chypre où il était en séjour
de décompression, Marion, une journaliste dont il est tombé amoureux.
Marion, il l’ignorait à ce moment, est l’épouse de François,
un homme d’affaires qui a fait fortune dans la téléphonie mobile après avoir
tâté du minitel rose et des peep-shows, et avant de rechercher la
respectabilité en rachetant, avec d’autres, un quotidien. Si ce profil vous
fait penser à quelqu’un, ce n’est probablement par hasard, malgré les
précautions d’usage qui revendiquent la fiction. A la lecture, on manque de
distance, la carrière de Xavier Niel se superpose à celle de François. La
germination d’un roman se fait certes souvent dans le terreau du réel, encore
faut-il qu’il pousse ses branches un peu plus loin.
Parmi les autres personnages clefs, notons encore Osman,
devenu presque malgré lui un homme politique de premier plan, soumis néanmoins
aux aléas d’une carrière fragile, surtout quand le président est capricieux, et
placé en compétition avec sa compagne Sonia, réputée plus intelligente, proche
du premier cercle du pouvoir.
De l’Afghanistan à Paris et à l’Irak, les conflits sont
aussi économiques – et, on l’a dit, amoureux. La romancière y mêle des débats
sur les origines, le respect (ou non) de l’autre, les communautarismes, on
passe sur quelques thèmes jetés dans une grande marmite où le goût de chaque
ingrédient ne se distingue plus vraiment de celui du voisin.
Mais ne désespérons pas : il suffit de lire L’insouciance en oubliant son ambition supposée pour passer quelques belles heures de divertissement. Ce qui n’était, de toute évidence, pas le seul but.
Mais ne désespérons pas : il suffit de lire L’insouciance en oubliant son ambition supposée pour passer quelques belles heures de divertissement. Ce qui n’était, de toute évidence, pas le seul but.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire