Leurs alliés capitulent
Eux se font battre
À sept kilomètres de Gand et Valenciennes débordé
(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées.)
Front britannique, 1er novembre.
Ce n’est pas
qu’ils soient lâches, ce n’est pas qu’ils s’abandonnent au destin, ce n’est pas
qu’ils ne savent plus s’accrocher, se relever, se sacrifier, c’est que nous les
dominons. Ils s’obstinent, nous les brisons. Dans les Flandres, les
Britanniques ont avancé depuis hier d’environ quatorze kilomètres, Audenarde
est pris, le canal d’Eclo, une des plus fortes lignes que leur ait données la
retraite, est franchi et au bout de sept kilomètres nous entrerons dans Gand.
Plus bas, même
spectacle : Valenciennes va tomber, Valenciennes ne va pas choir
d’elle-même des mains allemandes ; ils pressaient si fort contre eux cette
dernière ville du Nord qu’il a fallu, ce matin, leur asséner sur les doigts un
formidable coup. Ils ont accueilli notre attaque par une concentration
d’artillerie plus puissante que toutes celles déchaînées depuis quatre ans.
Non, les Allemands ne s’abandonnent pas. Le précipice où ils plongent leur fait
peur. Au pied du trou, pour ne pas y être précipités, ils luttent férocement.
Nous sentons bien que les nouvelles du front n’ont plus aujourd’hui pour nos
pays victorieux l’intérêt de naguère. Ce n’est pas quand la Bulgarie, la
Turquie, l’Autriche tombent d’un coup que la chute d’une ligne de tranchées,
voire d’un canal, va vous émouvoir. D’autant que vous entrevoyez d’avance le
résultat de ces combats derniers. Tout leur déroulement n’est plus pour vous
qu’incidents.
Nos soldats demeurent les ouvriers du coup
final
Mais nous qui
les vivons et qui voyons sous nos yeux s’en dégager le sens, nous devons, pour
la gloire des combattants, vous signaler ce qu’ils veulent dire. Ils signifient
que l’Allemand ne se résout pas à être vaincu et que nos soldats, dont la
ténacité a permis cet hallali, demeurent, par une juste nécessité, les
indispensables ouvriers du coup final. Sans eux, les Allemands, assis sur des
positions, sur n’importe quelles positions, se croyaient diminués, mais debout,
oseraient nous parler d’égal à égal, or sitôt qu’ils s’assoient les nôtres les
délogent. Ils veulent posséder des gages pour se présenter devant le tribunal,
nous les leur arrachons. Si les messages du docteur Solf révèlent de plus en
plus une écriture mal assurée, c’est que depuis qu’il a pris la plume le canon
du front ne cesse de lui faire trembler la main.
Ils s’écroulent dans la rage et la cupidité
Et quoique la
note approche, leurs fantaisies ne cessent point. Nous avons trouvé vers
Audenarde quatre ambulances chargées de butin : tableaux, tapis, cuivres,
fauteuils, et cette nuit entre eux et nous flambaient villages et hameaux. Ils
s’écroulent dans la rage et la cupidité.
Le Petit Journal, 2 novembre 1918.
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