Six voix pour Nicolas Mathieu au quatrième tour, quatre pour Paul Greveillac, c'est donc Leurs enfants après eux, son deuxième roman, publié chez Actes Sud, qui est le Goncourt 2018.
Heillange, avec les souvenirs d’une industrie sidérurgique,
est une petite ville en forme d’impasse, de laquelle la nouvelle génération ne
pense qu’à se tirer, ce qui restera généralement à l’état de rêve inaccessible.
Anthony, qu’on suit avec quelques autres pendant quatre étés, de 1992 à 1998,
une année sur deux, a quatorze ans et ne sait pas trop ce qu’il veut, à part
trouver des filles. Pour le reste, l’horizon est si bouché, ses parents si cons
– se dit-il – que même l’envie d’aller voir ailleurs ne le titille que de loin
en loin. Quand il s’y croira arrivé, grâce à l’armée, un pépin physique le
ramènera au bercail…
Les jeunes picolent pas mal, fument, draguent en apprenant
les attitudes et les gestes au fur et à mesure. Leurs aînés forment souvent des
couples déchirés dans lesquels chacun a oublié ce qu’il reproche à l’autre. Les
vieilles rancœurs sont aussi rouillées que les aciéries à l’arrêt mais elles
sont dans le paysage et il semble que rien ne puisse les en extirper. Même pas
les rares projets culturels construits davantage sur des mots que sur des
initiatives concrètes. Seule exception, le 14 juillet, son inévitable feu d’artifice, la beuverie
qui l’accompagne au bord d’un lac, le bal où l’on se piétine les uns les
autres.
Il arrive qu’on se cogne, demandez à Hacine. Il s’est vu lui
aussi ailleurs, au bled de ses origines familiales, et riche du même coup grâce
à un trafic qui a mal tourné quand il a cru que l’argent malhonnête pouvait
fructifier honnêtement. Revenu donc la queue basse, caïd déchu avec pour seul
adversaire à sa taille, taille réduite des bastons locaux, Anthony. Un peu par
hasard, d’ailleurs, et parce que le père d’Anthony, ivrogne violent, y a mis du
sien.
En 1998, l’équipe de France se dirige vers le titre mondial,
le foot booste les ventes de téléviseurs et unit les habitants du pays quelle
que soit leur couleur de peau ou leur origine. Un beau leurre. Un leurre quand
même. A l’image d’un roman dans lequel sont vite coupées les ailes de celles et
ceux qui tentent de prendre leur envol – seule Steph, peut-être, garde une
chance, on a envie de le croire autant qu’elle.
Avant Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu avait publié un seul roman, Aux animaux la guerre, étiqueté (à juste titre) noir dans une collection dédiée au genre. Il était déjà dans l’Est de la France, auprès de déclassés après la fermeture d’une usine. Le décor de son deuxième livre n’est pas très différent. Il retrouve en même temps, avec de sérieuses variations, la tension propre à une littérature qui fut longtemps jugée peu digne d’intérêt intellectuel – et qui a si bien contaminé la littérature « blanche ».
Avant Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu avait publié un seul roman, Aux animaux la guerre, étiqueté (à juste titre) noir dans une collection dédiée au genre. Il était déjà dans l’Est de la France, auprès de déclassés après la fermeture d’une usine. Le décor de son deuxième livre n’est pas très différent. Il retrouve en même temps, avec de sérieuses variations, la tension propre à une littérature qui fut longtemps jugée peu digne d’intérêt intellectuel – et qui a si bien contaminé la littérature « blanche ».
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