Le titre du roman d’Antoine Bello qui vient de reparaître au format de poche est à double sens.
L’homme qui s’envola, c’est
l’histoire de Walker, qui pilote son avion et aime ça. Non seulement pour la
facilité avec laquelle il lui permet de multiplier ses rendez-vous d’affaires –
il dirige une société de transport concurrente de FedEx, bien que sur un
territoire plus restreint, sans cesse à la recherche de nouveaux clients. Mais
aussi pour le plaisir, perceptible dans les moments où il observe la Terre de
haut, de cette vision aérienne à nulle autre pareille.
Walker a tout pour être heureux : le business est
florissant, il aime Sarah, sa femme, et réciproquement, les enfants sont
formidables. Mais voici le deuxième sens de L’homme
qui s’envola, l’envers du décor :
« Walker détestait sa vie. Son temps
lui échappait. » Lui qui compte chaque seconde a adapté sa vie à un
rythme infernal qui ne doit pas s’interrompre, où la gestion du détail
compte : « il ne ramasse pas la
monnaie dans les magasins ; il a calculé un jour le temps gaspillé à
empocher les pièces et à se forcer à les réutiliser et a décrété que le jeu
n’en valait pas la chandelle. » Il est à ce point investi dans cette
logique de rentabilité qu’il en est devenu prisonnier. Le nœud coulant s’est
resserré. Il est temps de s’envoler vers une autre vie…
Ce n’est d’abord qu’un rêve vaguement caressé, qui semble d’autant
plus inaccessible qu’il ne veut pas faire de tort à Sarah et à leurs enfants.
Mais il lit des livres sur le thème de la disparition volontaire, ses aspects
pratiques, ses conséquences. Et accumule les connaissances en préparant son
évasion. « Même si Walker
n’envisageait pas sérieusement de tout plaquer, y penser lui faisait du bien.
C’était un dérivatif, un exutoire dans lequel il se réfugiait chaque fois qu’il
sentait l’étau du quotidien se resserrer sur lui. »
Pour passer du désir à l’acte, il ne manque que quelques
éléments circonstanciels. La goutte qui fait déborder le vase, en somme. De
quoi susciter l’accident d’avion calculé, dans un endroit peu accessible, et la
fuite avec la perspective de passer pour mort. Sarah touchera la prime de l’assurance-vie.
A condition, bien sûr, qu’il n’y ait aucun doute sur l’issue fatale.
C’est là où l’imagination d’Antoine Bello, qui avait mené la
barque de Walker assez paresseusement dans la première partie, s’emballe et fournit
matière à du romanesque de haut vol. L’entrée en scène d’un enquêteur
spécialisé dans les cas de fausses disparitions marque le début d’un duel à
distance entre deux hommes aussi décidés l’un que l’autre à l’emporter.
Shepherd, célèbre dans son domaine de compétences, a écrit un ouvrage sur le
sujet, où il se vante de ne pas connaître l’échec. Walker, en apprenant que
Shepherd est à ses trousses, lit son livre et tente de déjouer ses méthodes.
Chacun s’efforce de réagir comme l’adversaire en sachant que celui-ci fait la
même chose, ce qui implique de le surprendre dans des raisonnements
sophistiqués.
Jusqu’à l’épilogue, dernière surprise, on est embarqué avec plaisir dans un vol à la destination inconnue.
Jusqu’à l’épilogue, dernière surprise, on est embarqué avec plaisir dans un vol à la destination inconnue.
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