Aragon appelait Jean d’Ormesson : « Petit »,
dans une relation amicale dont le second prenait prétexte pour aligner, dans sa
bibliographie, des titres poétiques : C’est
une chose étrange à la fin que le monde, en 2010, Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit, en 2013, et en 2016 Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, trois vers extraits du même poème d’Aragon dont ils sont les deux
premiers et le dernier. Il en reste. L’avant-dernier : « N’ayant plus sur la lèvre un seul mot
que merci », pourrait encore servir. A moins que ce soient les
lecteurs de Jean d’Ormesson qui aient ce mot sur la lèvre.
Car l’écrivain enchante même quand il irrite. A moins qu’il
irrite même quand il enchante. Ce qui brille chez lui peut être rangé au rayon des
tics, voire des tocs. Il ne peut s’empêcher de citer ses auteurs préférés à
longueur de pages. Son nouveau livre, qui peut donc aussi faire office
d’anthologie, est un dialogue entre lui et lui, ou Moi et Moi, ce dernier étant le « Sur-Moi » du premier, son
juge, son interpellateur de mauvaise conscience. Jean d’O, comme on le surnomme
familièrement, surtout quand on n’est pas son familier, n’a besoin de personne
pour le relancer sur les chemins familiers de sa vie.
Il a déjà utilisé celle-ci, avec ses annexes historiques, et
comment ne pas se répéter quand on a déjà tant puisé dans la matière dont on
dispose ? Le reproche en est fait à l’accusé, dans une parodie de procès,
il s’en sort en racontant les mêmes histoires. Il est l’oncle qui, à chaque
repas familial, repose la question : et celle-là, vous la
connaissez ? Puis embraie sur le récit dix fois entendu précédemment.
Mais l’oncle, pardon : Jean d’Ormesson, a du talent, et l’effet d’écho qui circule entre ses livres ne lasse pas. Après tout, bien des lecteurs ignorent une bonne partie de son œuvre, et l’écrivain trouvera toujours des candidats réceptifs à ses anecdotes. L’anecdote, c’est là où l’auteur pléiadisé de son vivant est le meilleur : il campe une situation en quelques phrases, déroule les faits, précise certains détails avec une gourmandise partageuse. Il a trop le sens de la nuance pour imposer les idées générales qui ne sont souvent que des généralisations. Et, à peser les ingrédients de l’ouvrage, on constate qu’il parle plus souvent des autres que de lui. Une grande capacité à admirer, une aussi grande à se déprécier : le secret, peut-être, de notre plaisir.
Mais l’oncle, pardon : Jean d’Ormesson, a du talent, et l’effet d’écho qui circule entre ses livres ne lasse pas. Après tout, bien des lecteurs ignorent une bonne partie de son œuvre, et l’écrivain trouvera toujours des candidats réceptifs à ses anecdotes. L’anecdote, c’est là où l’auteur pléiadisé de son vivant est le meilleur : il campe une situation en quelques phrases, déroule les faits, précise certains détails avec une gourmandise partageuse. Il a trop le sens de la nuance pour imposer les idées générales qui ne sont souvent que des généralisations. Et, à peser les ingrédients de l’ouvrage, on constate qu’il parle plus souvent des autres que de lui. Une grande capacité à admirer, une aussi grande à se déprécier : le secret, peut-être, de notre plaisir.
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