Le plus grand succès, dans les pays francophones au moins, de
William Boyd avait été Comme neige au soleil, un roman traduit en
1985 qui nous plongeait au cœur d’une Afrique dont il avait bien connu les
paysages. Il y est revenu notamment avec Brazzaville Plage, récemment réédité au format de poche, comme si le
souvenir de ce continent avait quelque chose d’envahissant.
Une rencontre, en 1991.
C’est normal, parce que c’est le pays de mon enfance et de
mon adolescence, explique William Boyd. Si j’avais vécu en Angleterre entre 10
et 19 ans, il serait normal d’écrire sur l’Angleterre. Mais je pense que ça va
se terminer. J’ai maintenant écrit trois livres qui se passent en Afrique, et
cette Afrique-ci n’est pas du tout précise…
Dans le pays où vit et travaille Hope Clearwater, il y a la
guerre. On y rencontre, comme par hasard, des mercenaires belges. Cliché ou
réalité ?
C’est comme ça. On rencontre toujours des ingénieurs
écossais et des mercenaires belges. Quand j’étais au Nigéria à l’époque de la
guerre civile, il y avait là-bas des mercenaires belges qui se battaient pour
le Biafra. On pense au Congo, bien sûr, mais les mercenaires du Congo sont
partis ailleurs ensuite, ils ont gagné leur vie en travaillant pendant d’autres
guerres africaines.
Hope Clearwater, le personnage principal, observe une
communauté de chimpanzés, et elle découvre qu’ils se font la guerre, comme les
hommes dans le même temps !
J’ai découvert cela il y a quelques années, et j’ai vu très
vite les implications que cela pouvait avoir avec la condition humaine. La
structure de l’ADN des chimpanzés diffère pour seulement 2 % du nôtre. Pour
moi, ça prouve que la violence est quelque chose de vital qui existe dans nos
gènes. Depuis que cette scientifique, Jane Goodall, a découvert une guerre
civile entre chimpanzés, on ne peut plus ignorer ces racines de violence dans
notre esprit. Mais, peut-être parce que nous avons cette tendance, on est
obligé de développer un sens moral pour rétablir l’équilibre.
Découvrant cette violence qui existe chez les chimpanzés, et
en total désaccord avec le directeur du projet dans lequel elle a été engagée, Hope
Clearwater doit affronter les certitudes du scientifique qu’elle est. Ce n’est
pas la première fois dans son existence : elle avait déjà été confrontée à
son mari, une sorte de mathématicien fou porté par le rêve d’une découverte
impossible, une équation qui résoudrait la complexité du monde.
Je ne connais pas beaucoup de scientifiques, mais la vie
dans les départements de sciences dans les universités est quelque chose de
très ambitieux. Il y a là des gens qui sont de vrais égoïstes, comme les
artistes…
Tout cela est dans Brazzaville Plage, et aussi
bien d’autres choses, parce que plus William Boyd écrit de romans, plus il les
rend complexes dans leur construction au point qu’on peut se demander s’il ne
gaspille pas des idées en les groupant ainsi dans un seul livre.
Quand je commence à écrire, si je ne me trouve pas face à
des problèmes, ça ne m’intéresse pas. Et ce livre était le plus difficile que j’ai
écrit, avec les deux histoires et les réflexions en supplément. C’est ça qui
est remarquable dans le roman : on peut faire ce qu’on veut. C’est une
forme très généreuse. On peut mélanger les histoires, on peut changer le temps,
on peut changer même les pronoms… Et, pour le lecteur, ce n’est pas plus
difficile à lire !
William Boyd n’est cependant pas du genre à vouloir
découvrir en cours d’écriture les choses qui arrivent à ses personnages : un
long travail de préparation lui permet de mettre tous les éléments en place et
de n’avoir plus qu’à rédiger ensuite.
Est-ce à
cause de cette technique ? Toujours est-il que Brazzaville Plage,
davantage encore que ses livres précédents, s’impose par son apparente simplicité
qui cache une réelle complexité. On entre immédiatement dans l’univers, composé
de plusieurs pans, de Hope Clearwater, et cette voix de femme – écrite par un
homme – s’impose avec une force peu commune.
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