dimanche 8 septembre 2019

Dans « rentrée littéraire », il y a « littéraire »

Je lis L’Équipe de ce matin – oui, et alors ? –, j’y trouve matière à entretenir la rogne qui me tient debout depuis un certain temps. Je découvre André Dussollier fan du PSG, ce qui ne me fait ni chaud ni froid, pointant une caractéristique du foot aujourd’hui. Il a suivi le « mercato », c’est bien son droit. Il en dit ceci, magnifique aveu : « C’est quasiment plus intense que les matchs qui vont suivre. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le foot, ça se passe plus sur le papier que sur le terrain. » Le papier des contrats, veut-il probablement dire…
C’est la même chose pour la rentrée littéraire. Elle ne se passe plus dans les livres, matière peu comestible pour le grand public (en tout cas, on essaie de le lui faire croire et, à force, il s’en est convaincu depuis un certain temps), en revanche, parlez-moi d’un scandale saignant, il y a là de quoi nourrir un passionnant feuilleton entretenu, pendant des semaines, par les chroniqueurs assoiffés de révélations crapoteuses.
Donc, l’affaire Yann Moix, vous savez, le type qui a publié un livre dans cette rentrée – Orléans, mais qui se souvient du titre ? Il y a longtemps, car les semaines semblent durer des mois dans cette histoire, que le « roman vrai » (si je comprends bien) de l’enfant martyr a disparu sous les coulées de boue qu’il avait lui-même lancées avec ardeur sur les pentes glissantes de l’antisémitisme et, apprends-je aujourd’hui en lisant le JDD, de la « négrophobie » (j’apprends en même temps que le mot « nègre » recomposé de la sorte est toléré, c’est fou ce que la lecture de la presse est instructive). Mais vous le saviez peut-être déjà, vous qui suivez plus attentivement que moi ce feuilleton nauséabond. Qui rebondit de rubrique en rubrique, un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock passait de doigt en doigt. Impossible de s’en débarrasser ! Le sujet sort des pages livres, il revient dans l’actualité des médias – Laurent Ruquier et France 2 seraient au bord de la rupture après la prestation de Yann Moix dans la première émission de la nouvelle (et dernière ?) saison d’On n’est pas couché (#ONPC pour les intimes).
Je repense à un autre type, j’ai oublié son nom, qui avait déclaré, c’était à l’occasion d’une précédente rentrée littéraire dans laquelle avait été lancé avec une certaine imprudence son dernier roman, que je ne sais plus quelle religion était vraiment « la plus con » de toutes les religions. La rumeur affirmait avec insistance qu’il disait cela sous l’influence de l’alcool. Vrai ? Pas vrai ? On s’en moque un peu, non ? Toujours est-il que le livre, lors de cette rentrée-là, avait connu un beau succès. Pour le livre ou pour le scandale qui l’entourait ? Rien de tel qu’un cortège tambourinant pour provoquer le phénomène moutonnier que nous rencontrons à nouveau cette année. Et dire qu’il suffisait autrefois d’un joueur de flûte ! Les temps ont bien changé…
Tout n’est peut-être pas perdu. Dans Le Monde paru hier, un homme pour qui j’ai une immense admiration, Alain Rey – « l’hostilité au père a été quelque chose de fondamental », dit-il, mais il n’a aucune chance de provoquer un scandale avec cet aveu – s’exprime au détour d’une réponse sur la littérature contemporaine. Voici : « Je n’arrive pas à accrocher à Houellebecq, il m’emmerde. » Comme je le comprends ! (Mais quel rapport avec le paragraphe précédent ?)
Comment suis-je passé d’histoires bruyantes à Houellebecq ? Je me le demande. Vous aurez peut-être la réponse à cette question lancinante – lancinante au moins trois secondes, relativisons.
En fait, je voudrais éradiquer les sources de pollution du monde littéraire, effacer les bruits parasites, être le Nicolas Hulot de lectures sans glyphosate ni OGM. Alors, pourquoi consacrer une note de blog à la périphérie envahissante ? Parce qu’il faut bien désigner l’adversaire afin de mieux se recentrer sur l’essentiel : les textes que je découvre jour après jour dans la rentrée littéraire – LITTÉRAIRE, vous avez bien lu. Et que je suis souvent tenté de garder pour moi, dans une jouissance égoïste qui ne vous regarde en rien. Même si je fais tout le contraire et viens, hier, de publier dans le Soir des articles sur Hubert Haddad, Edna O’Brien, Victoria Mas, Alexandre Labruffe ou Anne Pauly (dont je vous ai d’ailleurs parlé ici).
Le monde est contradictoire. Belle découverte de cette fin de nuit. La prochaine fois, je tenterai de réinventer (et de réenchanter ?) le fil à couper le beurre.

2 commentaires:

  1. Imagine quand on sort un roman en même temps qui plus est sur le père, la famille. Impression de ne pas exister.

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    1. Oui, et parler de "tueur" dans le titre, c'était l'idée du siècle! Mais je vais le lire, comme j'ai lu celui d'Anne Pauly - pas celui de Y.M. (j'aurais peut-être dû?).

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