D’abord, une anecdote puisée dans les arrière-cuisines de
l’édition : Le pendu de Conakry
avait été annoncé chez Gallimard en mars 2017 avant de disparaître du programme
pour laisser une meilleure visibilité au Tour
du monde du roi Zibeline, publié en avril de la même année. Explication, fournie alors par
Jean-Christophe Rufin : « On
aurait pu publier les deux livres presque en même temps, mais on n’a pas jugé
ça adéquat. Donc ce livre, le début d’une série, avec un personnage récurrent
qui me permet d’explorer le présent, sera publié chez Flammarion et non chez
Gallimard, ce qui revient au même puisque c’est le même groupe. »
Après une petite modification de titre et une sortie plus tardive, voici donc au format de poche Le suspendu de Conakry, première
aventure d’Aurel, consul qui aurait aimé être policier. Destiné à revenir (dès le mois prochain) dans
d’autres ouvrages, Aurel est un enquêteur amateur et un diplomate atypique.
D’origine roumaine, son nom, Timescu, semble une anomalie dans une hiérarchie,
au Quai d’Orsay, plus familiarisée avec les particules qu’avec les patronymes
exotiques. Exotique, la Guinée l’est aussi pour lui qui n’aime pas la chaleur
mais, paradoxalement, se promène toujours trop couvert (et ne transpire jamais).
Il y a en lui un malaise indéfinissable, qui disparaît quand il se trouve sur
le terrain d’une énigme à résoudre – ce qui n’entre évidemment pas dans le
cadre de ses attributions.
Sur le port, le spectacle a attiré du monde : un Blanc
pendu au mât de son voilier et, sur le pont, Mame Fatim, célébrité locale, nue…
Le défunt, à l’évidence assassiné, étant français, les services consulaires ont
à entreprendre quelques démarches administratives : prévenir la famille,
aider à l’organisation des funérailles ou du transfert du corps… mais vraiment
pas chercher un coupable.
La victime se révèle avoir été un cas singulier :
Jacques Mayères naviguait seul et, semble-t-il, avec dans son bateau une petite
fortune qui, bien entendu, a disparu. La raison de son assassinat ? Sa
sœur Jocelyne, à qui Aurel a téléphoné, décide en tout cas de venir
immédiatement à Conakry pour évaluer la situation. Pour comprendre aussi
qu’Aurel mène une enquête parallèle, ce dont il se défend : « Mettons que je réfléchis un peu et
que j’essaie d’apprendre des choses utiles. »
La trame policière n’est bien sûr pas l’essentiel du roman, même si elle
est assez solide pour un débutant dans le genre. Comment Aurel manœuvre et est
manœuvré, sa complicité croissante avec Jocelyne, comment il assume le fait
d’être considéré comme un employé subalterne, c’est tout cela qui retient
l’attention, sur un intéressant tapis musical. Car Aurel, plein de ressources
insoupçonnées, se révèle un ancien pianiste de bar très doué. A tel point qu’il
rêve de composer un opéra. Il lui reste, à la fin du roman, six mois de placard
guinéen pour le faire, à moins qu’une autre affaire le requière avant cela. A
suivre, donc.
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