mardi 10 septembre 2019

Le consul atypique de Jean-Christophe Rufin

D’abord, une anecdote puisée dans les arrière-cuisines de l’édition : Le pendu de Conakry avait été annoncé chez Gallimard en mars 2017 avant de disparaître du programme pour laisser une meilleure visibilité au Tour du monde du roi Zibeline, publié en avril de la même année. Explication, fournie alors par Jean-Christophe Rufin : « On aurait pu publier les deux livres presque en même temps, mais on n’a pas jugé ça adéquat. Donc ce livre, le début d’une série, avec un personnage récurrent qui me permet d’explorer le présent, sera publié chez Flammarion et non chez Gallimard, ce qui revient au même puisque c’est le même groupe. »
Après une petite modification de titre et une sortie plus tardive, voici donc au format de poche Le suspendu de Conakry, première aventure d’Aurel, consul qui aurait aimé être policier. Destiné à revenir (dès le mois prochain) dans d’autres ouvrages, Aurel est un enquêteur amateur et un diplomate atypique. D’origine roumaine, son nom, Timescu, semble une anomalie dans une hiérarchie, au Quai d’Orsay, plus familiarisée avec les particules qu’avec les patronymes exotiques. Exotique, la Guinée l’est aussi pour lui qui n’aime pas la chaleur mais, paradoxalement, se promène toujours trop couvert (et ne transpire jamais). Il y a en lui un malaise indéfinissable, qui disparaît quand il se trouve sur le terrain d’une énigme à résoudre – ce qui n’entre évidemment pas dans le cadre de ses attributions.
Sur le port, le spectacle a attiré du monde : un Blanc pendu au mât de son voilier et, sur le pont, Mame Fatim, célébrité locale, nue… Le défunt, à l’évidence assassiné, étant français, les services consulaires ont à entreprendre quelques démarches administratives : prévenir la famille, aider à l’organisation des funérailles ou du transfert du corps… mais vraiment pas chercher un coupable.
La victime se révèle avoir été un cas singulier : Jacques Mayères naviguait seul et, semble-t-il, avec dans son bateau une petite fortune qui, bien entendu, a disparu. La raison de son assassinat ? Sa sœur Jocelyne, à qui Aurel a téléphoné, décide en tout cas de venir immédiatement à Conakry pour évaluer la situation. Pour comprendre aussi qu’Aurel mène une enquête parallèle, ce dont il se défend : « Mettons que je réfléchis un peu et que j’essaie d’apprendre des choses utiles. »
La trame policière n’est bien sûr pas l’essentiel du roman, même si elle est assez solide pour un débutant dans le genre. Comment Aurel manœuvre et est manœuvré, sa complicité croissante avec Jocelyne, comment il assume le fait d’être considéré comme un employé subalterne, c’est tout cela qui retient l’attention, sur un intéressant tapis musical. Car Aurel, plein de ressources insoupçonnées, se révèle un ancien pianiste de bar très doué. A tel point qu’il rêve de composer un opéra. Il lui reste, à la fin du roman, six mois de placard guinéen pour le faire, à moins qu’une autre affaire le requière avant cela. A suivre, donc.

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