lundi 16 septembre 2019

László Krasznahorkai, l’art et la manière

Les 17 chapitres de Seiobo est descendue sur terre sont numérotés de 1 à 2584, on voit qu’il en manque et László Krasznahorkai aurait pu donner à son roman une dimension beaucoup plus impressionnante. L’écrivain hongrois, célébré dans le monde entier mais encore trop peu connu des lecteurs francophones bien qu’il soit un possible futur Nobel de littérature et que plusieurs éditeurs s’emploient à le faire lire, plonge dans les mystères de la création artistique à différentes époques et dans des pays variés.
Chaque chapitre est consacré à une œuvre d’art, à sa conception ou à sa perception, à moins que ce soit ce qu’elle est par elle-même, une sorte d’évidence qui ne s’explique pas, ainsi que le prouve l’Alhambra : « l’Alhambra ne nous apprend pas que nous ne savons rien de l’Alhambra, qu’il ne sait rien de ce non-savoir, puisque le non-savoir n’existe pas. Ne pas savoir quelque chose est un processus complexe, dont l’histoire se déroule dans l’ombre de la vérité. La vérité existe. Puisque l’Alhambra existe. Il est la vérité. »
Du Japon à l’Italie, de la France à la Grèce, les hommes font l’expérience de la confrontation avec cette chose indicible qu’on nomme souvent, faute de mieux, beauté. Ainsi que le fait David Foenkinos dans son récent Vers la beauté où il place son personnage principal, Antoine Duris, provisoire gardien de musée, face à une toile de Modigliani. László Krasznahorkai, dans des pages proches par la situation mais éloignées par la manière, pose aussi un gardien de salle, au Louvre, devant son œuvre de prédilection, la Vénus de Milo. Mais il ne se fait pas d’illusion sur la relation qu’il entretient avec la statue : « il y avait la Vénus de Milo, seulement et uniquement elle, comment pouvait-on imaginer qu’une relation puisse exister entre eux, pensait Chaivagne en regardant ses collègues avec son petit sourire ».
Il y a un drame au pied de l’Acropole dont un visiteur, venu à Athènes pour voir le seul Parthénon, n’aura jamais atteint le sommet, la faute au soleil et à la chaleur avant une fin aussi abrupte que la lame d’une guillotine. Il y a, à l’image de ce moment inattendu, d’autres types de surprises. Comme la brève descente sur terre, annoncée dans le titre, de Seiobo sous une forme humaine, inspiratrice d’une pièce de danse au Japon. Car les sources de l’art sont multiples et irriguent ce roman habité.

1 commentaire:

  1. J'ai constaté avec joie cette semaine qu'il était sorti en poche... Merci pour ce billet, sur un auteur en effet pas assez lu.

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