Elle est, en principe, pour aujourd'hui - je ne l'ai pas encore vue. D'autres, pendant ce temps, ont pris les devants. Le Prix Décembre, en particulier, qui sera attribué le 8 novembre et donnera sa prochaine sélection le 25 octobre. Treize romans sont sélectionnés:
- François Bégaudeau. En guerre (Gallimard, Verticales)
- Baudouin de Bodinat. En attendant la fin du monde (Fario)
- Pauline Delabroy-Allard. Ça raconte Sarah (Minuit)
- Michael Ferrier. François, portrait d'un absent (Gallimard)
- Elisabeth de Fontenay. Gaspard de la nuit (Stock)
- Mark Greene. Federica Ber (Grasset)
- Jean-Yves Jouannais. Moab, épopée en 22 chants (Grasset)
- Jeanne Labrune. Depuis la terre, regarder les naufrages (Grasset)
- Benjamin Pitchal. La classe verte (Gallimard)
- Catherine Poulain. Le coeur blanc (L'Olivier)
- Francesco Rapazzini. Un été vénitien (Bartillat)
- Joann Sfar. Modèle vivant (Albin Michel)
- Antoine Wauters. Pense aux pierres sous tes pas (Verdier)
Le Prix Albert Londres appartient moins à mon terrain de jeu préféré, la fiction, mais vous savez, si vous suivez ce blog, à quel point je place Albert Londres - haut, très haut - et voici donc la sélection livres d'un prix qui concerne aussi la presse écrite et l'audiovisuel. Remise des récompenses le 22 octobre à Istanbul, beau symbole de la défense de la liberté de la presse.
- Justine Augier. De l’ardeur (Actes Sud)
- Jean-Baptiste Malet. L’Empire de l’or rouge (Fayard)
- Pauline Maucort. La Guerre et après (Les Belles lettres)
- Hélène Sallon. L’État islamique de Mossoul (La Découverte)
- Pierre Sautreuil. Les Guerres perdues de Youri Beliaev (Grasset)
Un mot aussi du Prix Sade, bien que je lui trouve un intérêt déclinant, avec une deuxième sélection (je n'avais pas vu passer la première, je l'avoue humblement) qui a l'intérêt de mettre en évidence des éditeurs rarement cités au moment des prix littéraires:
- Léo Barthe. L’Animal de compagnie (La Musardine)
- Mavado Charon. Dirty (Mania Press)
- DOA. Lykala (Gallimard)
- Stéphane du Mesnildot. L’Adolescente japonaise (Le Murmure)
- Jonathan Littell. Une vieille histoire (Gallimard)
- Elizabeth Prouvost. Les Saintes de l’abîme (Humus)
- Sébastien Rutés. La Vespasienne (Albin Michel)
- Apollonia Saintclair. Ink is my blood (Encre Sympathique)
- Sylvie Steinberg. Une histoire de la sexualité (PUF)
- Bei Tong. Camarades de Pékin (Calmann-Lévy)
Enfin, le Prix Louis Guilloux a été attribué à Marc-Alexandre Oho Bambe pour Diên Biên Phù (Sabine Wespieser), un roman dont je ne pense que du bien et qui, paru au début de l'année, fait penser à celui de David Diop, Frères d'âme, retenu pour plusieurs prix littéraires.
Alexandre est mort en Indochine. « Avant de renaître, puis mourir encore. » Il y a eu la
guerre, Diên Biên Phù et surtout Maï Lan, la femme au visage lune dont le nom
signifie « pierre d’abricot et d’orchidée ». Le 7 mai 1954, à Diên
Biên Phù, la guerre est perdue, ce qu’il reste de l’armée française n’attend
plus, pour plier bagage, que les accords qui mettront fin à sa présence en
Indochine. Tandis que, pour Alexandre, c’est le déchirement de la séparation.
Maï Lan s’éloigne. Mais reste inscrite dans sa chair et son esprit autant que
les blessures physiques, morales, des combats.
Alexandre est donc rentré en France, a retrouvé Mireille, sa
très croyante épouse, à qui la foi en Dieu a permis d’accepter les aveux de
celui qui expliquait être devenu fou amoureux, au loin. Le couple a repris la
vie commune, puisque « Mireille
disait pouvoir supporter une vie à deux, même sans saveur et sans passion ».
Vingt ans se sont écoulés d’une existence tiède au cours de laquelle Alexandre
n’a cessé d’apprécier les qualités de Mireille. Au cours de laquelle, aussi, il
n’a cessé de penser à Maï Lan. Si bien qu’après tout ce temps, il a décidé de
retourner là où il était mort et avait vécu si puissamment. Pour rechercher la
femme qu’il n’avait jamais oubliée et à laquelle, comme lorsqu’ils partageaient
leur passion, il n’a cessé d’écrire des poèmes.
Ces poèmes parsèment le premier roman de Marc Alexandre Oho
Bambe, Diên Biên Phù. Ils disent les
années pendant lesquelles l’absente est restée si vivante : « Pendant vingt ans / J’ai vécu ainsi /
En avançant / A reculons / Vers toi Maï ».
Diên Biên Phù raconte,
avec des sauts dans le passé et les moments enflammés d’un amour toujours
ranimé par les mots et les souvenirs, le retour d’Alexandre. Il ne l’a pas dit
en partant, il ne l’avouera que dans une lettre envoyée à Mireille de
Hanoi : il ne reviendra plus en France, leur couple est défait, il a
besoin de terminer ce qu’il avait commencé et que l’Histoire a interrompu.
Encore faut-il retrouver Maï Lan, et la tâche s’avère
difficile. Malgré l’aide d’une autre femme qui se prend d’affection pour cette
belle histoire, malgré M. Cho, le restaurateur bienveillant qui pense avoir
connu Maï Lan, sa présence semble se dissoudre dans un espace flou.
La quête d’Alexandre se termine d’une manière que nous ne
révélerons pas, par une surprise. Mais on ne peut terminer un article sur Diên Biên Phù sans dire un mot de l’ami
Diop, le Sénégalais qui a sauvé la vie d’Alexandre et est devenu pour lui un
frère. Qui l’initie, en outre, aux idées de décolonisation en même temps qu’à
la production littéraire du groupe d’écrivains formé autour de Présence
africaine.
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