C'était hier, dans Libération, au cœur de la chronique qu'y tient, toutes les quatre semaines, Camille Laurens. Elle y parlait de 2015, dont il lui reste des images plutôt que des mots. Et puis, elle raconte ceci:
Ce matin, pour les besoins d’une émission, je me suis entendue lire dans mon dernier roman: «Vous préférez que je parle de mon enfance, de mes parents, de ma famille – tout le bataclan?» Je n’ai pas pu retenir mes larmes, c’était comme si je venais de voir entrer d’un coup sur la page tous les disparus et ceux qui les pleurent. Ce mot, je l’ai écrit il y a quelques mois, parce que je l’aimais bien, j’ai toujours aimé cette expression, «tout le bataclan», son côté à la fois populaire et exotique, sa sonorité. Mais c’est fini, jamais plus je ne pourrai l’employer, le voilà trop chargé de morts, devenu lui-même la scène de crime qu’il fait surgir dès qu’on le dit, comme si le mot était la chose.
Il y aura à tenter de lire ce mot, dans le livre, hors de la connotation nouvelle qu'il a prise. Mais est-ce possible? Ne penser qu'à Flaubert, cité par le Trésor de la langue française? «Ta bonne maman ne pourra pas être à Dieppe dimanche. Il lui faudra, au moins, un jour ou deux pour resserrer tout son bataclan.»
Et retrouver l'innocence perdue...
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