Un cocido, voilà
comment Javier Cercas définissait Retour à Séfarad, le livre que Pierre Assouline était en train d’écrire : un
pot-au-feu littéraire, pour le dire plus vite que le romancier. Il y croise la
documentation et la fiction, y mêle des poèmes, des portraits, de l’enquête…
Son maître ? Cervantès et l’inépuisable Don Quichotte. L’occasion de touiller dans les plats de
l’Histoire ? L’appel d’un roi, Felipe VI, en 2015, aux fils de Séfarad :
rentrez au pays et retrouvez la nationalité espagnole perdue lors de l’expulsion
en 1492. Cinq siècles de mémoire, des souvenirs antérieurs à la naissance.
La décision de l’écrivain, descendant de ces Juifs exclus,
est inébranlable : il va demander, et forcément obtenir, la nationalité
espagnole. Oui, mais ce n’est pas si simple. L’administration, même de bonne
volonté, reste un labyrinthe dont certains passages étroits se traversent avec
lenteur. Qu’importe ! Un obstacle sert à rebondir et le livre se nourrit
de ces péripéties chaque fois qu’il en cherche l’origine lointaine.
« Pas de ligne
droite en histoire dès lors que l’on s’installe dans la longue durée. Ce n’est
que tours, détours et retours », écrit Assouline dans un ouvrage dont
la couverture (originale) porte la mention : « roman ». Et qui, dans les
dernières pages, détaille une copieuse bibliographie après quelques
remerciements personnels. Le goût des archives a encore frappé : devant
des listes de noms, l’auteur est capable de rêver jusqu’à fournir à chacun une
trajectoire individuelle. Sa manière d’être « l’ambassadeur
des morts auprès des vivants ».
Cependant, fidèle à la méthode de Maigret – l’imprégnation
–, il dit aussi : « Il faut
quitter les bibliothèques sous peine d’y mourir engloutis. » Il part
donc en Espagne, selon un programme en partie fixé mais surtout très libre, il
rencontre des gens, il parle, il écoute, regarde. Il se retrouve dans des
régions dépeuplées, fouille les cicatrices de la guerre civile. Il écrit son
Espagne, c’est-à-dire Séfarad, un pays peut-être imaginaire.
Et, s’il ne devient pas espagnol, à quel roi pourrait-il s’adresser pour obtenir une autre nationalité ? A celui des Belges, peut-être, « pour sévices rendus à leurs gloires nationales Simenon et Hergé (j’ai calé pour Brel et Magritte, ils l’ont échappé belle). »
Et, s’il ne devient pas espagnol, à quel roi pourrait-il s’adresser pour obtenir une autre nationalité ? A celui des Belges, peut-être, « pour sévices rendus à leurs gloires nationales Simenon et Hergé (j’ai calé pour Brel et Magritte, ils l’ont échappé belle). »
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