Après Olivier Norek en 2019, Joseph Incardona est le lauréat
2020 du Prix Relay des Voyageurs Lecteurs pour La soustraction des possibles. Un choix que, si cela vous intéresse
de la savoir, j’approuve sans aucune réserve.
Commençons par une citation : « Le problème, avec
la vie qui avance, c’est qu’elle soustrait les possibles. » Même et
surtout quand elle semble offrir des voies nouvelles au fur et à mesure que le
temps passe. C’est la règle en application dans le nouveau roman de Joseph
Incardona, La soustraction des possibles.
Où la Suisse de l’auteur se révèle, à la fin des années 80, un piège parfait
pour ceux qui espèrent sortir de leur condition.
Aldo Bianchi est au cœur de l’histoire – une histoire
d’amour dédoublée. Son élève, Odile Langlois, mariée à un homme riche, ne prend
pas que des leçons de tennis, elle fait exulter la chair avec le beau sportif
dont elle s’est entichée, tandis que lui, mécanique très au point, se contente
de la faire jouir assez pour qu’elle croie être aimée en retour. Plus tard, il
y aura, près d’Aldo, Svetlana, et là sera la véritable passion, celle des peaux
qui ne peuvent se passer l’une de l’autre et des ambitions partagées.
Car Aldo, à Genève, frôle des grandes fortunes avec l’espoir
d’entrer, il ne sait trop comment sinon que les femmes devraient jouer un rôle,
dans le monde des puissants. Pour l’instant, mi-gigolo, mi-homme de main, il se
contente de miettes dont il ne maîtrise pas le flux. Porteur de valises corses
vers les coffres secrets helvétiques, il récolte de belles sommes et en voit
passer, dans le coffre de sa voiture, de bien plus énormes, ça ne peut pas
durer…
La soustraction des
possibles est un roman monté comme une horloge (suisse) qui ferait mine,
souvent, de dérailler – sans jamais, fondamentalement, changer de direction.
L’écrivain s’en amuse comme d’un jouet qu’il menacerait de casser à chaque
instant. « Je vais me gêner, tiens. » Il nous promène au fil de
digressions qui semblent n’avoir aucun rapport avec le sujet principal de son
livre, mais regardez bien.
Par exemple : « La dite “Fin de l’Histoire”, c’est
peut-être ça : chacun pour soi et le dollar pour tous. »
Ou bien, à propos d’une banque (suisse, bien entendu) qui a
doublé son capital grâce à la guerre civile américaine : « C’est
peut-être cela que voulait dire l’ami Balzac, quand il écrit que derrière
chaque richesse se cache un crime. »
Et encore, « puisqu’on en n’est pas à une citation
près, quelques mois avant d’être assassiné Robert Kennedy confiait, out of the record : “Le PIB mesure
tout, sauf ce qui vaut la peine d’être vécu.” »
Dans La soustraction des possibles, Mimi – elle est corse et n’a pas
froid aux yeux, même si elle préférerait que son frère renonce à ses
« affaires » – lit Ramuz, parce qu’il ne suffit pas de planquer son
pognon en Suisse, il est bon de savoir aussi ce qui s’y écrit de meilleur.
L’homme est faible, la femme aussi, les montagnes de fric ne font pas des
massifs bien résistants aux agents extérieurs qui les érodent. Tout n’est
qu’illusion, mais cette illusion dure quatre cents pages et cela aurait pu être
plus long qu’on n’aurait quand même pas vu le temps passer.
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