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mardi 1 décembre 2020

Le Renaudot de Marie-Hélène Lafon


Quelques minutes après le Goncourt, tradition oblige, c’était donc au tour du Renaudot. Pour le roman, d’abord.

Les secrets perdus de Gabrielle, qui a eu plusieurs existences, hantent le nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, Histoire du fils. Ils sont les manques à partir desquels se bâtissent des fictions approximatives, seul support à une imagination qui tenterait de trouver une logique là où, peut-être, il n’y en a guère. André, le fils de Gabrielle, vit ainsi, avec l’absence de père officiel, et néanmoins la volonté, par brusque sursauts, de boucher les trous, d’aller par exemple se poser devant l’immeuble parisien où Maître Lachalme a ses bureaux, à deux pas de la prison de la Santé où se trouvent certains de ses clients.

Mais André a attendu douze ans après son mariage avec Juliette pour faire le voyage, dire : « cette année je le cherche je le trouve je veux le voir on monte trois jours à Paris à Pâques tu viens avec moi je n’y vais pas sans toi. » Sans une virgule et, on l’imagine, sans reprendre son souffle – le souffle très présent dans chaque phrase du roman et au rythme duquel percent les sentiments des uns et des autres, dans leur riche diversité. Douze ans, c’était peut-être trop, il ne restera du voyage qu’une photo d’André devant l’immeuble…

Et, avec des intervalles très longs, ainsi que le disent les dates, 1962, 1984, 1998, c’est « une vie entière à flairer les traces du père, de loin ou de près, à Paris ou dans le Lot », ainsi que le résume à sa manière Antoine, le fils de Juliette et d’André.

Car plusieurs générations trouvent place dans un récit pourtant assez bref. Il suffit de lire le premier chapitre, daté du jeudi 25 avril 1908 (il y aura ensuite des avancées dans le temps et des retours en arrière), pour être emporté par les rapides d’histoires multiples. Armand et Paul ont bientôt cinq ans, le premier se lève, silencieux, attentif aux odeurs qui ont pour lui des couleurs précises, « son » Antoinette est dans la cuisine, il se jette sur elle après l’avoir observée un moment, le drame survient – « un cri déchiré qui réveille Paul. »

Comme ce qui suivra, c’est remarquable d’attention aux détails, de justesse dans la manière dont le petit garçon utilise ses sens, d’équilibre, précaire mais tenu, dans la phrase – on en revient au souffle, omniprésent.

Les lieux ont aussi leur importance, comme dans toute l’œuvre de Marie-Hélène Lafon qui, à son Cantal d’origine, ajoute le Lot, paysages où l’on vit et où l’on meurt, et où s’installent, dans les intervalles, les silences et les secrets des pères absents.


Et ensuite le Renaudot essai…

« Une vie parfaite, parfaitement close, enclose en elle-même. » Emily Dickinson la recluse, plus sorcière que magicienne, chez qui le pouvoir des mots transpose le monde extérieur. Dans un texte éclaté et éclatant, la voici telle qu’on l’imagine à la suite de Dominique Fortier. Celle-ci vibre à l’unisson des textes publiés, et aborde par la sensibilité les pans moins connus de celle qui écrivait des tombeaux « à la mémoire de l’invisible. »

vendredi 31 mai 2019

Rentrée littéraire : Jean-Philippe Blondel

Jean-Philippe Blondel, c'est sept livres chez Buchet-Chastel et bientôt un huitième, à paraître le 15 août: La grande escapade. Roman, affiche l'éditeur sur la couverture. Oui, sans doute, mais nourri, semble-t-il, de souvenirs très personnels...

Présentation de l'éditeur

Le livre
La grande escapade raconte l’enfance - un territoire que Jean-Philippe Blondel a jusqu’à présent refusé d’explorer dans ses romans. Les années 70, la province, l’école Denis-Diderot en briques orange, le jardin public, le terrain vague. Et surtout, les habitants du groupe scolaire. Cette troupe d’instits qui se figuraient encore être des passeurs de savoir et qui vivaient là, avec leurs familles.
1975-1976 ou des années de bascule: les premières alertes sérieuses sur l’état écologique et environnemental de la terre; un nouveau président de droite qui promet de changer la société mais qui nomme Raymond Barre premier ministre; les femmes qui relèvent la tête; la mixité imposée dans les écoles...
Il y a les Coudrier, les Goubert, les Lorrain et les Ferrant; il y a Francine, Marie-Dominique et Janick. Il y a des coups de foudre et des trahisons. De grands éclats de rire et des émotions. Tous les personnages sont extrêmement incarnés. On y est! Dans l’ambiance et le décor. Et le lecteur peut suivre, page après page, Jean-Philippe Blondel qui nous fait faire le tour du propriétaire de ce monde d’hier.

L'auteur
Jean-Philippe Blondel est né en 1964. Marié, deux enfants, il enseigne l’anglais en lycée et vit près de Troyes, en Champagne-Ardennes. Il publie en littérature générale et en littérature jeunesse depuis 2003.

lundi 20 août 2018

«Les nougats», de Paul Béhergé


Méfiez-vous de vos amis. Mais de qui se méfier quand on n’en a pas, ou au moins qu’on a bien du mal à s’en faire et que le seul à paraître mériter ce statut est une crapule arriviste ? C’est en gros la situation dans laquelle se trouve Paul, « un génie maladroit », face à Olivier, « une brute » ? Ils sont présentés ainsi par l’éditeur du premier roman de Paul Béhergé, Les nougats. Ce n’est pas faux. Mais les personnages sont trop complexes pour les réduire à quelques mots. Et, surtout, l’évolution de leur relation fait tout l’intérêt d’un roman qui place le lecteur en situation d’attente : les choses ne resteront pas en l’état, quelque chose va se passer qui va tout changer. Quoi et avec quel effet ? On verra…
Paul Montès est doté d’une vive intelligence qu’il éprouve quelques difficultés à organiser dans le sens de l’efficacité. Chez lui, les idées jaillissent en flux continu bien que moins continu soit leur cheminement. Il est l’homme des fragments rassemblés, des éclairs qui ne touchent pas le sol, de l’énergie intellectuelle dépensée en vain – si cela veut dire quelque chose, car le résultat est là, malgré tout : une accumulation de textes confiés à monsieur Théodore, un homme discret et proche de la mort capable de mettre les images en relation les unes avec les autres, de développer des métaphores censées éclairer la vie et le travail, appelons cela ainsi, de Paul, bien que cela reste obscure. Enfin, voilà : Paul est l’auteur d’une grande œuvre destinée à rester méconnue.
Sauf si son « ami » Olivier, avec qui il est fâché, s’en empare pour construire sa propre gloire, à laquelle il tient beaucoup. Entre eux, pour les unir autant que pour les séparer, il y a Elise, la fiancée d’Olivier, dont Paul est amoureux aussi. « Entre deux vrais amis, on se partage tout. » Dans l’idéal absolu, au moins. La réalité est plus nuancée.
De toute manière, au point où nous en sommes au début du roman, il s’agit déjà de trouver une conclusion à l’amitié malheureuse, insatisfaisante, à sens unique. Voilà vers quoi on va, Paul narrateur ne cesse d’avertir. Il y aura un prix à payer pour sortir de l’impasse. Et la monnaie ne sera pas les nougats que Paul mâche à longueur de journées.

Citation
La narration romanesque n’est, à la manière dont je juxtapose les nougats dans mes poches, les galets dans mes boîtes en fer-blanc et les exemples historiques dans le manuscrit des Petites Collections, rien d’autre qu’une juxtaposition de formes narratives sympathiques, exubérantes et bien agencées.

PAUL BÉHERGÉ
Buchet-Chastel, 240 p., 16 €, ebook, 10,99 €

lundi 7 novembre 2016

Le calendrier chargé des prix littéraires

Quand on croit que c'est fini, il y en a encore.
Aujourd'hui, le Prix Décembre devrait être annoncé. Il n'ira probablement pas à Boxe, de Jacques Henric (Seuil), puisqu'il a déjà reçu le Femina essai. En revanche, Comment Baptiste est mort, d'Alain Blottière (Gallimard), bien que paru au début de l'année, et J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste, de Loïc Prigent (Grasset) ont toutes leurs chances, avec une longueur d'avance, me semble-t-il, pour le dernier cité.
Aujourd'hui aussi, en principe, le Prix des Cinq Continents de la Francophonie, pour lequel sont en lice dix titres, dont un excellent roman déjà ancien (Villa des femmes, de Charif Majdalani, Seuil, paru en août 2015), un premier roman comorien dont on a beaucoup parlé (Anguille sous roche, d'Ali Zamir, Le Tripode) ou le roman d'un de mes voisins (Vol à vif, de Johary Ravaloson, Dodo Vole). La manière dont se déroulent les délibérations du jury étant un mystère pour moi, je me garderai de tout pronostic.
Plus tard dans la journée, j'apprends que la délibération du Prix des Cinq Continents de la Francophonie se déroulera en principe le 6 décembre, avec proclamation le 9. Désolé pour cette annonce prématurée, basée sur une source habituellement plus fiable.
Demain mardi, le Prix Interallié choisira entre les trois derniers sélectionnés: Gaël Faye, dont Petit pays (Grasset) a reçu le Prix du Premier Roman français en fin de semaine dernière, ce qui n'interdit rien; Serge Joncour avec Repose-toi sur moi (Flammarion), une histoire d'amour improbable; et Eric Vuillard avec 14 juillet (Actes Sud), une fresque dense mais brève qui restitue quelques détails de la Révolution française. Si le jury respecte une logique littéraire, il devrait choisir Eric Vuillard. Mais quelque chose me dit que Gaël Faye a toutes les chances d'être élu.
Demain aussi, le Prix de Flore ("très beau prix", en dit Michel Houellebecq, lauréat en 1996, à Frédéric Beigbeder dans Conversations d'un enfant du siècle) en terminera avec ses débats internes. Leïla Slimani en sera logiquement écartée après son Goncourt. Quatre autres écrivains resteront donc au cœur des débats: Joann Sfar (Comment tu parles de ton père, Albin Michel), Cédric Gras (Anthracite, Stock), Boris Bergmann (Déserteur, Calmann-Lévy) et Nina Yargekov (Double nationalité, P.O.L.). On remarquera qu'aucun d'eux ne publie ni chez Gallimard, ni chez Grasset, ni au Seuil. Il est désolant de constater que je n'ai pas lu leurs livres...
Mercredi, on se reposera. Ou on lira ce qu'on n'avait pas encore lu.
Car, jeudi, ça repart avec le Prix Jean-Giono, dont la caractéristique la plus souvent signalée est qu'il est richement doté. Qui succédera à Fouad Laroui et à Charif Majdalani, les deux derniers lauréats? Cette fois, on n'ira pas chercher dans des origines extérieures aux frontières françaises. Les trois derniers sélectionnés sont Alain Blottière, déjà cité plus haut, Jean-Baptiste Del Amo (Règne animal, Gallimard) et Stéphane Hoffmann (Un enfant plein d'angoisse et très sage, Albin Michel).

A la fin de la semaine dernière ont été remis les Prix du Premier roman. Gaël Faye, je l'ai déjà dit, côté français. Et Davide Enia (Sur cette terre comme au ciel, Albin Michel), côté français - avec Françoise Brun à la traduction.
Quant au Grand Prix de Littérature américaine, il a couronné un premier roman, Parmi les loups et les bandits, d'Atticus Lish (traduit par Céline Leroy, Buchet-Chastel).
Après la guerre, c’est encore la guerre. Rentré d’Irak, Skinner ne se réadapte pas à la vie civile. Mais rencontre Zou Lei, une Chinoise ouïghoure sans papiers dotée d’une volonté de s’en sortir, dure à la tâche, soucieuse d’entretenir sa condition physique. Ces éclopés de l’existence se soutiennent mutuellement, ressemblent à un couple. New York reste cependant une ville d’une infinie dureté qui lamine les hommes et les femmes sortis des rails.

lundi 9 mai 2016

Trois Goncourt intermédiaires

On en parle moins, mais l'académie Goncourt attribue d'autres prix littéraires en supplément du célèbre couronnement de l'automne. Aujourd'hui, pas moins de trois prix étaient attribués - encore un effort pour égaler l'Académie française, qui les donne par brassées entières.
Le Goncourt de la nouvelle va à Hélène Lafon pour Histoires (Buchet-Chastel), que je n'ai pas lu parce qu'il ne m'es pas passé devant les yeux. Et je le regrette, car rien de ce qu'écrit Hélène Lafon ne laisse indifférent.
Le Goncourt du premier roman va à un livre fraîchement paru (la semaine dernière) et qui n'avait pas eu le temps de se trouver dans la sélection publiée il y a un mois: De nos frères blessés, de Joseph Andras (Actes Sud).
Ouvrier communiste et algérien de cœur, Fernand Iveton devient un dangereux terroriste quand, en 1956, pendant les « événements » auxquels on refuse le nom de guerre, il pose une bombe dans son usine. En prenant soin qu’elle ne fasse que des dégâts matériels. Mais l’heure est à la répression, à la condamnation sans appel. Tous les recours contre la peine de mort prononcée resteront vains. Et le destin de cet homme bouleverse.
Enfin, le Goncourt de la poésie, rebaptisé Robert Sabatier, va, pour son oeuvre complète, au... Printemps des poètes. Une première, me semble-t-il, ce couronnement d'une institution plutôt que d'un écrivain.

samedi 6 décembre 2014

Prochaines nouvelles du front

549. Le chiffre magique. Celui du nombre de livres annoncés dans la rentrée littéraire d'hiver selon Livres Hebdo, du 31 décembre (oui, 2015 commence en 2014!) au 28 février.
Mais peut-être faut-il dire 548 + 1, car nous, lecteurs, ne craignons pas de décomposer les grands nombres en leurs composants de base, un peu comme dans une recette de cuisine.
Tous ne partent pas sur un pied d'égalité dans ce nouveau déferlement de nouveautés et il en est un qui est beaucoup plus attendu que les 548 autres. Le nouveau roman de Michel Houellebecq, penseur littéraire, penseur économique, penseur politique, écrivain gon-courtisé bien que parfois un peu con-con, le nouveau roman de Michel Houellebecq, dis-je, ou plutôt dit son éditeur Flammarion, paraîtra le 7 janvier et s'intitulera, sonnez tambours, résonnez trompettes, Soumission. Ce qui n'en dit pas très long sur son contenu. N'étant pas un fan absolu, je répète ce que j'ai déjà dit ailleurs: le livre qui était annoncé jusque-là sans titre, ou plutôt avec l'indication Titre à venir, aurait pu rester dans la catégorie des promesses jamais accomplies. Et avec un titre qui, somme toute, n'était pas si mal.
Bon, et les 548 autres, alors? Je n'en ai pas encore lu grand-chose, mais un de ceux qui viennent de m'arriver est une promesse de lecture que je m'étais faite (et, ne gardant rien pour moi, je vous l'avais dit à l'époque) il y a plus d'un an, le 16 octobre 2013, quand Eleanor Catton a reçu le Man Booker Prize pour The Luminaries, devenu en français Les luminaires. 992 pages qui m'excitent fort.
Il en reste 547, mais je ne vais pas tout dévoiler tout de suite, laissons venir les choses petit à petit...

mercredi 20 août 2014

Le bilan de la rentrée littéraire

Je vous entends déjà. Qu'est-ce qui lui prend? Il est devenu fou, ce blogueur, ou quoi? Comment peut-il nous annoncer le bilan de la rentrée littéraire alors qu'elle commence aujourd'hui? Il a acheté une boule de cristal, il était mal éveillé ce matin et il a cru voir des choses dans le marc de café?
Et pourtant... Ce bilan, appelez-le pré-bilan si vous voulez, repose sur des données objectives, la transposition dans les faits des grandes manœuvres entreprises depuis le mois de mai au moins, voire plus tôt, dans les maisons d'édition qui pèsent sur la rentrée littéraire. Et qui pèseront, un peu plus tard, sur les débats des prix littéraires.
Il suffit de lire les messages reçus ces derniers jours en provenance d'éditeurs ou d'attaché(e)s de presse dans des maisons plus modestes pour percevoir la crainte de n'être déjà plus dans la course. Si ma modeste contribution à l'information littéraire peut jouer un rôle, je peux essayer de les rassurer: leurs livres seront lus aussi. Et pas seulement par moi, j'en suis persuadé.
Mais si je prends les quatre listes établies par les rédactions du Point, de Lire, de France Culture ainsi que par les libraires et les adhérents de la Fnac, il me semble disposer d'un indicateur assez fiable à propos des titres dont on va beaucoup parler dans les semaines qui viennent - dont on a déjà commencé à parler. En tenant compte de ce que toutes ces listes ne sont pas closes et qu'il faudrait leur ajouter, le moment venu, les choix effectués par les libraires, en première ligne pour défendre leurs romans préférés (ou ceux dont les éditeurs leur ont fait croire qu'ils devraient être leurs préférés). Livre Hebdo devrait publier cet autre palmarès d'ici peu. Le tableau composé à partir de ces différentes listes, que vous pouvez consulter ici, est donc encore évolutif.

Ils ont été nommés quatre fois sur quatre, et Gallimard est bien servi:

  • David Foenkinos. Charlotte (Gallimard)
  • Eric Reinhardt. L'amour et les forêts (Gallimard)


Trois fois sur quatre:

  • Olivier Adam. Peine perdue (Flammarion)
  • Frédéric Beigbeder. Oona & Salinger (Grasset)
  • Jean-Marie Blas de Roblès. L'île du point Némo (Zulma)
  • Emmanuel Carrère. Le royaume (P.O.L.)
  • Patrick Deville. Viva (Seuil)
  • Marie-Hélène Lafon. Joseph (Buchet-Chastel)
  • Laurent Mauvignier. Autour du monde (Minuit)

Et 73 autres ouvrages sont cités une ou deux fois, ce qui ouvre quand même des perspectives assez larges.
A suivre, bien entendu, à présent que nous y sommes, dans cette rentrée...

lundi 18 août 2014

Vers la rentrée (17) avec Marie-Hélène Lafon

Joseph, le nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, est le portrait d'un homme - son prénom est le titre du livre, il n'y a pas de mystère. Ouvrier agricole, il a toujours vécu en harmonie avec la terre et ses produits, avec les animaux aussi. Avec les hommes et les femmes, c'est un peu plus compliqué. Il est passé de ferme en ferme, mettant en location sa force et son savoir-faire selon des principes anciens, jusque dans le monde d'aujourd'hui.

Joseph, selon son éditeur

Joseph est ouvrier agricole dans une ferme du Cantal. Il a bientôt soixante ans. Il connaît les fermes de son pays, et leurs histoires. Il est doux, silencieux. Il a aimé Sylvie, un été, il avait trente ans. Elle n’était pas d’ici et avait beaucoup souffert, avec et par les hommes. Elle pensait se consoler avec lui, mais Joseph a payé pour tous. Sylvie est partie au milieu de l’hiver avec un autre. Joseph s’est mis à boire, comme on tombe dans un trou.
Joseph a un frère, marié, plus beau et entreprenant, qui est allé faire sa vie ailleurs et qui, à la mort du père, a emmené la mère vivre dans sa maison. Joseph reste seul et finira seul. Il est un témoin, un voyeur de la vie des autres.
Joseph est le nouvel opus de Marie-Hélène Lafon. Roman émouvant, traversé en profondeur par une rivière souterraine qui a prénom de femme et de servante : Félicité. Avec talent et humour, Marie-Hélène Lafon rend ici un magnifique hommage à son cher Flaubert...

L'auteure, Marie-Hélène Lafon

Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques à Paris. Tous ses romans sont publiés chez Buchet/Chastel.

Les premières lignes

Les mains de Joseph sont posées à plat sur ses cuisses. Elles ont l’air d’avoir une vie propre et sont parcourues de menus tressaillements. Elles sont rondes et courtes, des mains presque jeunes comme d’enfance et cependant sans âge. Les ongles carrés sont coupés au ras de la chair, on voit leur épaisseur, on voit que c’est net, Joseph entretient ses mains, elles lui servent pour son travail, il fait le nécessaire. Les poignets sont solides, larges, on devine leur envers très blanc, charnu, onctueux et légèrement bombé. La peau est lisse, sans poil, et les veines saillent sous elle. Joseph tourne le dos à la télévision.

Un bref entretien avec Marie-Hélène Lafon parlant de son livre se trouve ici.

lundi 15 juin 2009

Avec vue sur la rentrée littéraire (24) - Buchet-Chastel

L'éditeur qui fut celui de très grands écrivains a retrouvé, depuis quelques années, le chemin de la littérature. Buchet-Chastel affirme donc, très logiquement, sa présence dans la rentrée, avec six titres en août et septembre.

Henri Husetowski, L'été chagrin (20 août)

C’est pas la première fois que je vois ma mère pleurer, elle pleure quand elle veut, elle a des facilités. J’ai pas envie d’aller vers elle, un truc bizarre vient de se produire, elle est devenue comme moi, un enfant, elle n’est pas comme je croyais jusqu’à maintenant, elle n’est pas une grande personne. Le monde entier n’est plus pareil, tout vient de s’écrouler. Je me dis que j’ai que dix ans, que dix ans!

Durant l’occupation allemande, les 16 et 17 juillet 1942 a lieu la rafle du Vél d’Hiv à Paris. D’autres rafles ont lieu simultanément en France.
L’histoire de David se déroule avant, pendant et après ces dates fatidiques, en trois semaines, quelque part en France, dans une ville où les Juifs sont raflés en une nuit.
«Ancien Juif», David vit avec sa mère, madame veuve Duval. Son meilleur ami s’appelle Yacov, c’est un garçon gros et sale, qui lui fait parfois un peu honte.
Madame Souslovska, avec ses pantoufles vertes, Fêtnat, Sénégalais et musulman, Chopinette la clocharde du quartier qui picole, Régala l’épicier qui, paraît-il, n’aime pas les Juifs, madame Lafayette qui se balade à poil, l’abbé Noisiel qui l’a baptisé, ainsi que d’autres personnages font partie de son monde que les événements vont anéantir. Soudain il faut tout quitter et partir loin.
L’Eté chagrin est un premier roman qui a la facture d’un classique. L’auteur dose habilement monde de l’enfance et chaos de l’Histoire. Comme tous ceux qui l’ont croisé, le lecteur sera touché par la personnalité du jeune David et par son destin.

Henri Husetowski est né à Bordeaux de parents émigrés de Pologne. Éducateur, il est aujourd’hui à la retraite et vit à Paris. L’Eté chagrin, son premier roman, est inspiré de faits réels. A suivre: Le Printemps des pères.

Daniel de Roulet, Le silence des abeilles (20 août)

Pourquoi les abeilles dépérissent-elles? Parce qu’on les empoisonne? Parce qu’on les prend pour des vaches à miel ou à venin? Les scientifiques cherchent des réponses. Fasciné par les abeilles, apiculteur, Sid essaie de comprendre cette évolution inquiétante.
Né au début des années 1980, il est le fils unique et abandonné d’ex-soixante-huitards – engeance qu’il abhorre. Il déteste aussi son prénom, Siddhârta, qui lui a valu de se faire appeler Sida à l’école. Livré à lui-même depuis sa naissance, il ne sait pas trop à quel monde il appartient. C’est pourquoi il les essaie tous: celui que propose le Forum de Davos, celui des sages apiculteurs, celui des nostalgiques néo-nazis, jusqu’à celui de la nouvelle mondialité nomade que lui propose une étrange téléphoniste japonaise.
Dans un pays où coulent le miel et le chocolat au lait, sur une planète où les humains ne pourront survivre sans les abeilles, Le Silence des abeilles est le roman d’apprentissage d’une certaine jeunesse.
Comme le précédent roman de Daniel de Roulet, (Kamikaze Mozart, publié chez Buchet/Chastel), Le Silence des abeilles fait partie de cette «comédie humaine» que l’auteur compose depuis des années. Les personnages, les destins et les thèmes se croisent pour raconter l’histoire mouvementée des hommes de ce siècle.

Daniel de Roulet est né en Suisse. Nationalité frontalière. Formation architecte. Profession informaticien. Amateur de marathons.

Pascal Janovjak, L'invisible (27 août)

Le narrateur de ce conte contemporain est un avocat de 35 ans. Il travaille au Luxembourg pour un gros cabinet. Salaire mirobolant. Pas d'amours. Pas d'amis. Une femme de ménage... qu'il ne voit jamais.
Il est mal dans sa peau et se trouve insignifiant au point de se sentir transparent.
C'est ce malaise que Pascal Janovjak prend au pied de la lettre. Au cours d'un passage à Paris, l'avocat ressent une douleur inexplicable au cou, puis au bras. Dans sa chambre d'hôtel, il constate qu'il est devenu tout à fait  invisible. Comme le héros détraqué de H.G.Wells! Des traces humides sur la moquette, un creux sur un matelas, voilà ce qu'il reste de lui.
A partir de ce moment, il voyage, cherchant des aventures sexuelles faciles. Il erre, toujours invisible, de la Sardaigne à une région inconnue. Impuni, il se permet tout et, délivré de ses angoisses, s'intéresse à une humanité qu'il croyait dominer de très haut...

Pascal Janovjak est né en 1975 à Bâle, de mère française et de père slovaque. Il étudie les lettres et l'histoire de l'art à Strasbourg, avant d'effectuer son service national en Jordanie. Enseignant au Liban, puis responsable de centre culturel au Bangladesh, il réside depuis lors au Proche-Orient. Il a publié en 2007 un recueil de proses, Coléoptères, chez Samizdat à Genève.

Marie-Hélène Lafon, L'annonce (3 septembre)

Paul a quarante-six ans. Paysan, à Fridières, Cantal. Cinquante-trois hectares, en pays perdu, au bout de rien. Il n’a pas tout à fait choisi d’être là, mais sa vie s’est faite comme ça. Paul n’a qu’une rage: il ne veut pas finir seul, sans femme.
Annette a trente-sept ans. Elle est la mère d’Eric, bientôt onze ans. Elle n’a jamais eu de vrai métier. Elle vient du Nord, de Bailleul. Annette a aimé le père d’Eric, mais ça n’a servi à rien, ni à le sauver du vertige de l’alcool, ni à faire la vie meilleure. Alors elle décide d’échapper, de recommencer ailleurs, loin.
D’où l’annonce. Paul l’a passée. Annette y a répondu.
Sauf qu’il y a les autres. Le fils silencieux, et la mère d’Annette. Et les autres de Paul, ceux qui vivent avec lui à Fridières. Les oncles, propriétaires des terres. Et la sœur, Nicole, dix-huit mois de moins que Paul, qui n’a pas de mari pas d’enfant.
L’Annonce, nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, raconte cette histoire d’amour.

Marie-Hélène Lafon vit à Paris. Elle est publiée, depuis ses débuts en écriture, chez Buchet/Chastel. Son précédent roman, Les Derniers Indiens, a été fortement remarqué par la presse et les libraires et paraît simultanément à L’Annonce, chez Folio.

Tarun J. Tejpal, Histoire de mes assassins (3 septembre)
Traduit de l'anglais (Inde) par Annick Le Goyat

Delhi, de nos jours. Le narrateur, un journaliste très renommé, apprend par un flash d'information qu'il vient d'échapper de justesse à une tentative d'assassinat.
S’agit-il d’un complot fomenté contre lui suite à ses révélations de corruption au sein du gouvernement indien ?
C’est au tribunal, escorté par une escouade de policiers et une équipe de juristes, que cet homme, qui ne connaissait rien de ses assassins, va peu à peu découvrir leur vrai visage…
Tout oppose les existences de ces criminels venus des entrailles de l'Inde rurale prêts à frapper pour quelques roupies, à celle du journaliste qu'ils doivent éliminer.
Des avenues de Delhi aux petites bourgades du nord du pays, on découvre les trajectoires violentes de Chaku (le tueur au couteau), Kabir (l’héritier musulman de la Partition sanglante de 1947), Kaliya et Chini qui vivent et volent dans la gare depuis l’enfance, sans compter Hathoda Tyagi (connu pour réduire la cervelle de ses victimes à coup de marteau).
Ces cinq assassins, nés dans la cruauté et l’environnement innommables des masses indiennes, marqués par leur origine, ont tous en commun d’avoir perdu trop tôt l’âge d’or de leur innocence.
En redonnant une dignité et une identité à ces cinq anonymes perdus dans l’immensité de la population indienne, Tarun J. Tejpal les érige en martyrs devenus les symboles des grandes failles de l’Inde moderne. Il dénonce ainsi le système des castes, les conflits religieux persistants, la corruption et la misère…

Tarun J. Tejpal, écrivain indien, héroïque pourfendeur de la corruption, est présenté dans son pays comme une révélation littéraire. Il est le fondateur du magazine d’investigation engagé Tehelka (Faire sensation) et a été distingué par Business Week comme l’un des cinquante leaders du changement en Asie. Avant de fonder Tehelka, Tejpal a été journaliste, notamment à India Today, Indian Express et Outlook. Loin de Chandigarh, son premier roman paru en 2005 chez Buchet/Chastel, a été unanimement salué par la presse française.

Nancy Horan, Loving Frank (10 septembre)
Traduit de l’américain par Virginie Buhl

En 1903 à Chicago, l’homme d’affaires Edwin Cheney et son épouse Mamah Borthwick Cheney passent commande de leur nouvelle maison à l’enfant terrible et déjà célèbre de l’architecture américaine, Frank Lloyd Wright.
Six années plus tard, la bonne société de Chicago et la presse américaine sont secouées par le plus grand scandale de ce début de siècle: Mamah, tombée entre temps passionnément amoureuse de Frank, quitte Edwin et leurs deux enfants pour suivre l’architecte renommé en Europe. Lui-même abandonne sa femme Catherine et six enfants pour vivre cette passion.
Berlin, Florence puis Paris pendant la grande crue de 1910, voient passer enlacés autour de leur liberté amoureuse hantée pourtant par la culpabilité, ces amants exceptionnels qui défraient la chronique de l’Amérique dévote et pudibonde du vingtième siècle naissant…
Mais les tabloïds américains les plus prolixes et les plus sensationnalistes n’auraient jamais pu imaginer comment l’histoire de ce couple sulfureux allait exploser en 1914 après  leur retour aux Etats-Unis. La violence du dénouement laissera pétrifiés, au-delà des familles déchirées Cheney et Wright,  le monde des architectes, des féministes et des moralistes de bon ton…
Captivante fiction historique documentée par l’autobiographie de Frank Lloyd Wright, par les lettres de Mamah Borthwick et par les très nombreux articles dans la presse de l’époque, Loving Frank mêle tout à la fois intrigue amoureuse, émancipation féminine et une plongée dans l’univers d’un des plus grands maîtres de l’architecture moderne…

Nancy Horan est écrivain et journaliste. Loving Frank est son premier roman. Elle vit en famille sur l’île de Puget, dans l’état de Washington. Son site www.lovingfrank.com gagne à être consulté.