Méfiez-vous de vos amis. Mais de qui se méfier quand on n’en a pas, ou au moins qu’on a bien du mal à s’en faire et que
le seul à paraître mériter ce statut est une crapule arriviste ? C’est en
gros la situation dans laquelle se trouve Paul, « un génie maladroit », face à Olivier, « une brute » ? Ils sont
présentés ainsi par l’éditeur du premier roman de Paul Béhergé, Les nougats. Ce n’est pas faux. Mais les
personnages sont trop complexes pour les réduire à quelques mots. Et, surtout,
l’évolution de leur relation fait tout l’intérêt d’un roman qui place le
lecteur en situation d’attente : les choses ne resteront pas en l’état,
quelque chose va se passer qui va tout changer. Quoi et avec quel effet ?
On verra…
Paul Montès est doté d’une vive intelligence qu’il éprouve
quelques difficultés à organiser dans le sens de l’efficacité. Chez lui, les idées
jaillissent en flux continu bien que moins continu soit leur cheminement. Il
est l’homme des fragments rassemblés, des éclairs qui ne touchent pas le sol,
de l’énergie intellectuelle dépensée en vain – si cela veut dire quelque chose,
car le résultat est là, malgré tout : une accumulation de textes confiés à
monsieur Théodore, un homme discret et proche de la mort capable de mettre les
images en relation les unes avec les autres, de développer des métaphores
censées éclairer la vie et le travail, appelons cela ainsi, de Paul, bien que
cela reste obscure. Enfin, voilà : Paul est l’auteur d’une grande œuvre destinée
à rester méconnue.
Sauf si son « ami » Olivier, avec qui il est
fâché, s’en empare pour construire sa propre gloire, à laquelle il tient
beaucoup. Entre eux, pour les unir autant que pour les séparer, il y a Elise,
la fiancée d’Olivier, dont Paul est amoureux aussi. « Entre deux vrais amis, on se partage tout. » Dans l’idéal
absolu, au moins. La réalité est plus nuancée.
De toute manière, au point où nous en sommes au début du
roman, il s’agit déjà de trouver une conclusion à l’amitié malheureuse,
insatisfaisante, à sens unique. Voilà vers quoi on va, Paul narrateur ne cesse
d’avertir. Il y aura un prix à payer pour sortir de l’impasse. Et la monnaie ne
sera pas les nougats que Paul mâche à longueur de journées.
Citation
La narration romanesque n’est, à la manière dont je juxtapose les nougats dans mes poches, les galets dans mes boîtes en fer-blanc et les exemples historiques dans le manuscrit des Petites Collections, rien d’autre qu’une juxtaposition de formes narratives sympathiques, exubérantes et bien agencées.
PAUL BÉHERGÉ
Buchet-Chastel, 240 p., 16 €, ebook, 10,99 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire