Ce pourrait être un hymne aux fesses de la mère de Clémence.
Elles « se tortillaient du matin au
soir pour faire rire sa fille ». Dansantes, elles font des pirouettes.
Remuantes, claquées par le père, souvent à l’air – la mère se promène nue dans
la maison, nage nue, cuisine et mange nue. Pas étonnant qu’Alexandre, le père
instituteur, qui n’a pourtant jamais fait étudier le mot « charnel »
en classe, déclare à Rosalie : « Tes
fesses méritent que l’on vive pour elles. »
Du désir affiché, Clémence, à huit ans, a au moins le désir.
En découvrant la sensualité des peaux qui se touchent, des pressions dont elle
ne sait pas encore très bien vers quoi elles peuvent la conduire, elle partage
avec sa cousine Lise des gestes agréables. « Nous
étions deux gamines touillant le fond d’une eau calme, jusqu’à en faire
remonter le soufre, attendant d’une bulle qu’elle éclate. »
Je voudrais que la
nuit me prenne, le nouveau roman d’Isabelle Desesquelles, possède une face
lumineuse mais dont la fragilité apparaît de plus en plus entre les mots qui se
heurtent, dans une manière de raconter ces moments à distance : si
Clémence a bien huit ans dans le récit, elle en a seize de plus au moment où
elle revient sur cette époque heureuse. Et le drame auquel on touche avec un peu
de crainte, tant on voudrait que la lumière ne s’éteigne jamais, surviendra
forcément. Pour être d’abord annoncé avec discrétion, il n’en est pas moins au
programme.
Les deux aspects sont indissociables. Le plus plaisant
deviendrait mièvre s’il n’était mis en valeur par le moins agréable. La force
du livre réside dans l’intime complémentarité que donne la romancière aux huit
premières années et aux seize qui suivent, d’une tout autre nature – et qu’on
vous laisse découvrir.
Citation
Mes parents convoitaient les orages, ils s’enthousiasmaient devant leur déchaînement, redoutable et grandiose, la pluie qui griffe le ciel, les brusques bourrasques, furieuses, ils auraient ouvert leurs bras aux éclairs s’ils n’avaient craint d’être un mauvais exemple.
ISABELLE DESESQUELLES
Belfond, 208 p., 18 €, ebook, 12,99 €
La rentrée littéraire est aussi dans Le Soir:
J.M. Coetzee, L'abattoir de verre, traduit de l'anglais par Georges Lory (Seuil)
Maylis de Kerangal, Un monde à portée de main (Gallimard, Verticales)
Boualem Sansal, Le train d'Erlingen ou La métamorphose de Dieu (Gallimard)
Ainsi que:
Emilie de Turckheim, Le Prince à la petite tasse (Calmann-Lévy), par Jean-Claude Vantroyen
Yasmina Khadra, Khalil (Julliard), par Jean-Claude Vantroyen
Carole Fives, Tenir jusqu'à l'aube (Gallimard, L'Arbalète), par Nicolas Crousse
Benjamin Whitmer, Evasion, traduit de l'américain par Jacques Mailhos (Gallmeister), par Jean-Marie Wynants
Rachel Kushner, Le Mars club, traduit de l'anglais par Sylvie Schneiter (Stock), par Cédric Petit
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