J'avais terminé son livre ce matin seulement, et préparé un article qui, au lieu de paraître samedi dans Le Soir, y paraîtra demain: Le garçon, de Marcus Malte, lauréat du Femina pour le roman français, par sept voix contre trois pour Nathacha Appanah (Tropique de la violence, Gallimard), est un grand livre. Du genre à ne pas vous lâcher, qu'on le lise en 24 heures ou en deux semaines - ce qui fut mon cas, pour des raisons circonstancielles.
Celui qui deviendra Félix, et qui vient de nulle part, ou presque, est le personnage principal d'un roman réussi sur tous les plans. Chaque phrase est d'une beauté à couper le souffle, même les énumérations, et il y en a quelques-uns, deviennent des éléments du récit, le texte subjugue et emporte à travers une vie, un amour, une guerre. Sauvage, civilisé mais analphabète, de nouveau sauvage après la mort de la femme aimée, Félix est un être qu'on n'oubliera pas. Et qui donnera peut-être à Marcus Malte un nouvel élan vers une oeuvre importante.
Le Femina étranger est attribué à Rabih Alameddine, par cinq voix contre quatre pour Petina Gappah (Le livre de Memory, Lattès), pour Les vies de papier, un vibrant hommage au pouvoir de la littérature (dont Le garçon est par ailleurs un bel exemple). La vie sociale d’Aaliya est étroite à Beyrouth, qui a traversé toutes les guerres. La vie intime d’Aaliya est intense, elle l’a passée dans les livres qui lui donnent, à grand renfort de citations, un regard acéré. Elle a travaillé cinquante ans à traduire en arabe, pour elle-même, des grandes œuvres de la littérature. Mais les cartons où elle a rangé ses manuscrits ne sont pas plus en sécurité que les habitants.
Enfin, le troisième Femina du jour, celui de l'essai, est, par six voix contre quatre en faveur de Jacques Henric (Boxe, Seuil), pour Ghislaine Dunant et son Charlotte Delbo, la vie retrouvée, une biographie dont les premières lignes donnent envie d'aller plus loin:
Le vent est léger, il glisse sur les feuilles, entre les branches. La pluie est tombée toute la nuit, elle imprègne l’herbe, les arbres, de temps en temps une goutte tombe. Rien d’autre ne se passe, et tout est silence. Je suis arrêtée par le grillage qui entoure le jardin, une boîte aux lettres métallique est suspendue de guingois, l’emplacement du nom est vide.
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