Il y a un demi-siècle, l’écrivain belge Jos Vandeloo publiait son premier roman, Het gevaar, traduit en français quatre ans plus tard par Maddy Buysse (Le danger). Les risques liés au nucléaire civil n’étaient pas, à l’époque, familiers aux lecteurs de fiction. Et il faudrait relire cet ouvrage à la lumière du premier roman d’Elisabeth Filhol, La centrale. En partie pour se rassurer. Dans Le danger, Alfred Benting, Harry Dupont et Martin Molenaar, qui ont été irradiés, sont des cas originaux que la médecine examine pour apprendre. Dans La centrale, le narrateur est suivi au fil de ses missions, la dose de radiations est évaluée en permanence et, une fois le quota franchi, le travail s’arrête jusqu’à la fin de l’année. Les risques d’accident physique sont connus et, autant que possible, limités. Le chômage, en revanche, est un horizon plat bien présent à l’esprit.
Travailleur DATR, soit directement affecté aux travaux sous rayonnement, le personnage principal n’est pas à l’abri d’un incident. Il se produit lors de sa mission à Chinon et hypothèque la suite…
Elisabeth Filhol semble ne pas pouvoir être prise en défaut sur ses informations. Seul un spécialiste pourrait le confirmer, bien sûr. Le réalisme est tel, en tout cas, qu’il impose les images et le mode de fonctionnement d’une centrale nucléaire avec ceux qui y sont employés. A dire vrai, il ne s’agit pas que de réalisme : la beauté des descriptions aide à s’imprégner du lieu. Le monologue intérieur du narrateur est porté par une voix sereine, souveraine, que le lecteur n’a aucune envie de contrarier.
Explorer un monde inconnu du commun des mortels, nous y mener à travers l’intimité d’un homme dont c’est (à peu près) le seul univers, voilà le projet d’une romancière qui s’aventure hors des sentiers battus. En ouvrant des portes généralement scellées. On en sort contaminé, mais c’est sans risque.
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