lundi 9 janvier 2012

Deux années en Sarkozie avec Patrick Rambaud

Le rythme est parfait. Patrick Rambaud, depuis le début de la présidence de Nicolas Sarkozy, livre ponctuellement, début janvier, sa Chronique du règne de Nicolas Ier qui, un an plus tard, reparaît au format de poche.
Comme j'avais pris un peu de retard dans la lecture de cette série, je viens d'en lire deux à la suite, la Quatrième chronique du règne de Nicolas Ier et la Cinquième chronique du même règne.
On sait - et, si on ne le sait pas, il est temps de le découvrir - que Patrick Rambaud ne porte pas son président en très haute estime. Il suffit de considérer la kyrielle d'appellations non contrôlées dont il l'affuble pour en avoir une première idée. Je pioche, au hasard, dans les deux volumes: Notre Chatouilleux Leader, le Frémissant Souverain, Notre Truculent Tyranneau, Notre Élégant Monarque, Notre Cher Leader, le Prodigieux Souverain, Notre Verbeux Leader, Notre Misérable Prince, Notre Turgescent Despote, Notre Martial Souverain, Notre Mirobolant Monarque, Notre Turpide Leader, Notre Calculateur Souverain, Notre Brouillon Despote, etc.
Cette liste, très incomplète au demeurant, mérite à elle seule des applaudissements. Ouverte trois volumes et quatre ans plus tôt, elle semble dérouler à l'infini des possibilités qui donnent le vertige. Car il semble bien (il faudrait, bien entendu, vérifier) que Patrick Rambaud pousse la coquetterie jusqu'à se renouveler sans cesse et ne jamais se répéter. Chapeau l'artiste!
Dans sa chronique du temps, les événements ne manquent pas. Entre la tentative de promotion de Monseigneur le Dauphin à la tête de l'Epad, la farce de Sa Majesté prétendant avoir contribué, avant son règne, à la chute du mur de Berlin, les jongleries du duc de Chantilly, la guerre du duc de Villepin, la toute-puissance de M. le Cardinal, la milliardaire, ses enveloppes et son gigolo, le quatrième volet des trépidantes aventures du royaume offre une succession rapide d'anecdotes colorées d'un style puisant dans la palette d'un XVIIIe siècle remis au goût du jour. Comme les précédents, et comme le dernier paru, où la circulaire Hortefouille le dispute en risibilité (ça se dit, ça? non, probablement pas, tant pis, tout le monde comprend) à l'arrivée de la petite fadette. Ou au faux pas de la duchesse de Saint-Jean-de-Luz, au vicomte de Saint-Germain costumé en Malraux, au bébé électoral, au Sofitel maudit... n'en jetez plus, la Cour est pleine!
Patrick Rambaud a la dent acérée et la plume virevoltante. On pourrait extraire bien des phrases qui résonnent comme des jugements définitifs, sur le ton de maximes. Tome 5, chapitre I, paragraphe 1 (c'est ainsi que, plus tard, on situera les citations dans un ensemble devenu vaste):
Le Prince changeait souvent d'opinion car il n'en possédait point en propre; par cela, qu'il appelait pragmatisme pour se dédouaner d'une pareille absence, il désarçonnait le peuple comme ses courtisans.
Pan!
Mais, si le lecteur continue à se réjouir de chaque livraison, le chroniqueur semble s'en fatiguer quelque peu. Dans l'adresse à Notre Déprimante Majesté, il conclut par un sonore: "dégagez, Sire." Et, son devoir annuel achevé, il le paraphe de sa lassitude: "A suivre une dernière fois, espérons-le."

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