mardi 1 mai 2012

Pierre Magnan, la modestie et l'éloquence du Provençal

Il aurait eu 90 ans cette année et son œuvre, abondante, a été utilisée au cinéma, notamment avec La maison assassinée et Le sang des Atrides. Pierre Magnan, ancré par sa vie (sauf à la fin) et par ses livres dans la Provence de Jean Giono (à qui il a rendu hommage dans Pour saluer Jean Giono), est mort ce week-end. Je l'ai surtout lu il y a longtemps, sans cependant jamais le perdre de vue. En 2006, je l'avais retrouvé (par le texte) avec Laure du bout du monde.
Une écriture charnue, une existence contrariée. Dès la naissance, Laure semble condamnée à ne pas survivre. Pendant des années, elle résiste à tout ce qui devrait l'abattre. Et lutte pour échapper à son destin de petite bergère ignorante dans un village perdu. Une belle héroïne frondeuse qui traverse les expériences difficiles en devenant chaque fois plus forte. Jusqu'à devenir une adolescente épanouie aux perspectives inattendues.
Aujourd'hui, au lendemain de sa disparition, je fouine et je tombe sur Chronique d'un château hanté, un de ses derniers livres. Dans l'avant-propos, il expose sa manière de travailler, avec la modestie de l'artisan qui aime la belle ouvrage mais ne prétend pas être quelqu'un qu'il n'est pas. Tout en ayant toujours souhaité, peut-être, être quelqu'un d'autre...
Les romanciers d’aujourd’hui ont accès, grâce à leurs études, à de nouvelles sciences : psychiatrie, psychologie, psychanalyse. Les romans d’aujourd’hui sont beaucoup mieux construits que mes histoires car je n’ai pas fait d’études. Je suis un peintre en écriture. Un raconteur d’histoires à fleur de peau. Mes écrits n’entrent pas très profond dans les méandres de l’âme humaine, ses revirements, ses sautes d’humeur, ses crapuleries, lesquelles se perpètrent en détournant la tête afin de les oublier et que le psychanalyste le mieux aguerri ne puisse ni dépister ni même concevoir celles que l’individu lui-même avait, cinq minutes avant de les commettre, le plus en horreur chez son prochain.
Moi je ne suis qu’un témoin. Si j’en avais eu le moindre talent, j’aurais voulu être peintre. Le peintre n’a pas besoin d’expliquer. Les limites de sa toile lui interdisent de s’étendre et devant son œuvre, comprenne qui pourra et qui voudra. Je me contente de peindre, en écrivant, ce que tant d’artistes ont réussi à montrer de l’homme rien qu’en esquissant son aspect extérieur. Je songe à Breughel l’Ancien et aux bords de Seine des guinguettes de Renoir. Jamais l’écriture (même Proust) ne parviendra à figer ainsi un instant de la vie sur la terre, à l’extérieur et à l’intérieur de l’être.
Je ne suis pas non plus un historien. Je m’accote à l’Histoire parce qu’on ne peut pas faire autrement. J’avais décidé de mettre « histoire » sous le titre du livre. Malheureusement, les obligations auxquelles nous contraints désormais l’informatique ne nous permettent pas d’être libres de nos choix. Il y aura donc « roman » sous le titre, comme tout le monde. Mais c’est à mon corps et à mon esprit défendants. On trouvera dans cet ouvrage nombre d’anachronismes intempestifs et des erreurs chronologiques voulues ou pas. Je ne demande pas à être absous. J’assume. J’ai pris à l’Histoire ce qui me captivait.


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