Certains connaissent peut-être déjà la voix de Willy
Vlautin : il est le chanteur (et le compositeur) du groupe Richmond
Fontaine. Il fait merveille dans les balades de leur album The Fitzgerald.
Voici la voix, sur papier, de l’écrivain, dans un roman qui ressemble à ses
chansons par ce qu’il a de désenchanté, au-delà du malheur, avec cependant une
volonté presque animale de s’accrocher à la vie, pour ce qu’elle peut encore
offrir. On ne sait jamais. « Parce qu’avoir de l’espoir, c’est mieux
que rien du tout. » C’est la dernière phrase de Motel Life,
l’histoire de deux frères, de deux mecs foireux. Frank et Jerry Lee Flannigan,
pas vraiment gâtés par la vie.
Frank est ivre et un canard vient de briser la fenêtre de
leur chambre au motel quand Jerry Lee lui apporte la mauvaise nouvelle :
ivre lui aussi, il a renversé un gamin qui roulait en vélo et a embarqué le
cadavre de la voiture, trop paumé pour savoir que faire. « La
malchance. Tous les jours, elle tombe sur quelqu’un. C’est une des rares choses
dont on puisse être sûr. Elle attend son heure, toujours prête à s’abattre sur
le premier venu. »
Puisqu’il faut prendre une décision, ils prennent la
mauvaise : la fuite. Le changement n’est pas bien grand, en fait. Quand
Frank avait du travail, c’étaient de petits boulots. Et Peggy Lee, avec sa
jambe en moins, souvenir du jour où il est passé sous un train, n’est plus
capable de grand-chose. Vagabonds en puissance, les voici sur la route, avec la
vague idée de partir vers le nord où ils arriveront peut-être grâce aux trois
cents dollars qu’ils possèdent en commun. Pas vraiment une fortune…
On assiste donc, comme il fallait s’y attendre, à une dérive
au cours de laquelle les souffrances morales de Peggy Lee – un caractère assez
complexe, ce garçon – sont à la hauteur de la blessure qu’il s’inflige quand il
se tire dans la cuisse à défaut de trouver le courage de se suicider comme il
pense devoir le faire.
Les deux frères tournent en rond autour de leurs malheurs.
Ils ne cherchent pas vraiment à s’y enfoncer mais quelque chose, en eux-mêmes,
les y ramène toujours. De la même manière qu’ils reviennent d’ailleurs à leur
point de départ sans avoir trouvé le plus petit commencement de début de
solution. Ils ne sont sauvés, un temps, que par leur solidarité presque aveugle.
Les limites de Frank résident dans son dégoût de l’hôpital où se trouve son
frère après son suicide manqué. Quant à Peggy Lee, il hésite parfois à
embarquer Frank plus loin dans une aventure dont il n’est pas responsable.
Mais qu’ont-ils donc pour nous retenir, ces personnages déchus ?
Leur besoin d’évasion est fascinant. Il y a les histoires que raconte Frank. La
fuite avortée. Et le talent de Willy Vlautin, bien entendu, qui fait tenir tout
cela ensemble comme si c’était naturel.
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