Le Prix du premier roman, qu'il faudrait comme bien d'autres mettre au pluriel parce qu'il n'y a pas que le roman français dans la vie d'un lecteur - même si je me suis provisoirement arrêté à celui-là - a été attribué hier. Je vous dirai un peu plus loin de quoi il retourne pour les traductions.
Didier Castino est le lauréat 2015 pour Après le silence, un roman dans lequel un fils recueille les confidences posthumes de son père mort à 43 ans, d'un accident du travail le 16 juillet 1974. C'est-à-dire qu'il les invente, ces confidences, prêtant sa plume à une voix qui s'est tue depuis longtemps, écrasée par les sept tonnes d'un moule en déplacement sur une installation prévue pour en supporter quatre et demie.
Le fils, qui dit: "Je ne suis pas ouvrier et je t'emmerde", mais sans l'agressivité que cette phrase pourrait laisser supposer, et avec au contraire des larmes dans la gorge, coupable d'avoir voté parfois à droite sans que cela s'accompagne du sentiment de trahison, le fils, qui reste fils d'ouvrier quand bien même la mort prématurée de son père lui aurait en quelque sorte permis d'échapper à ce statut et de se hisser dans la hiérarchie sociale, le fils, qui reconstitue, compare et raconte, retrouve les accents qui devaient être ceux du père. Quand celui-ci plaçait sur le même plan - élevé, le plan - Dieu et l'idéal communiste, se battait en syndicaliste contre le licenciement de trois ouvriers étrangers, pour l'amélioration des conditions de travail, fort de quelques certitudes inébranlables qu'il aura fallu sept tonnes de métal pour effacer...
La condition ouvrière a un prix. Il n'est pas très coûteux pour les patrons. Dans le procès qui sera fait aux Fonderies et Aciéries du Midi, presque six ans après les faits, le tribunal déclarera que l'accident qui a coûté la vie à deux ouvriers "est imputable à une faute inexcusable de la direction". Les Fonderies et Aciéries du Midi sont donc condamnées.
Condamnées à verser aux familles des victimes la somme d'un franc symbolique.
Il y a des symboles qui pèsent sept tonnes...
Par ailleurs, le Prix du premier roman étranger a été partagé entre Vanessa Barbara (Les nuits de laitue, Zulma) et Maja Haderlap (L'ange de l'oubli, Métailié).
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