Et non, je ne l'avais pas oublié - les lecteurs du Soir s'en apercevront ce matin, après que les lecteurs de l'édition en ligne l'avaient déjà constaté hier après-midi. Mais, là où je vis, Antananarivo, capitale de Madagascar, 1400 mètres et des poussières d'altitude, la saison parisienne des prix littéraires coïncide avec l'arrivée des orages. Plus ou moins violents. Très violents, hier. J'ai donc dû me contenter de parer au plus pressé, le temps que vive la batterie de mon ordinateur portable, et vous laisser trouver, dans Le Soir ou ailleurs, informations et commentaires sur les Goncourt et Renaudot du jour. (J'y reviens, aux Renaudot.)
Mathias Enard, donc, lauréat au premier tour, par six voix contre deux à Tobie Nathan et une à Hédi Kaddour, avec Boussole, un roman somptueux qui semble s'effilocher sans cesse et qui reprend à chaque fois la même direction, celle de l'Orient. Orient réel, Orient fantasmé, par lequel passent de multiples personnages au cours d'une nuit solitaire que le musicologue Franz Ritter passe dans son appartement viennois bourré de souvenirs. Et en particulier du souvenir de Sarah qui vient de se rappeler à lui, qui ne l'a jamais oubliée, en envoyant le tiré à part d'un article qu'elle a publié.
Touffu, érudit, et donc difficile à lire, ce roman? Certains le prétendent. Probablement ne l'ont-ils pas ouvert. Car il suffit de s'y glisser pour se sentir bien entre les pages, pour partir à la découverte de mondes sur lesquels nous n'étions pétris que de fausses certitudes et aborder aux rives enchantées de la connaissance, certes parfois un peu floutée par les vapeurs de l'opium. Mathias Enard, c'est un peu l'anti-Pierre Loti, ce champion presque oublié d'un exotisme construit sur quelques clichés. Ici, les clichés sont mis à plat, démontés, et font place à une approche sensible qui nous font nous sentir plus intelligents. Chargés, aussi, d'un supplément d'âme - d'âmes, même: les âmes de celles et ceux qui, sur les chemins du véritable Orient, multiple mais pas totalement insaisissable, en ont collecté les richesses qui nous sont aujourd'hui offertes.
Oui, un beau, un grand Goncourt.
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