Lewis Hamilton a annoncé qu’il allait écrire ses mémoires,
et sous-entendu que cela ferait du bruit, puisqu’on saurait tout sur la manière
dont il a perdu le titre de champion du monde de Formule 1 cette année. Ne
lâchez pas les chevaux tout de suite pour aller dans votre librairie préférée :
« dans dix ans », a-t-il précisé.
En 2005, le 29 novembre était déjà un mardi. Emmanuel Adely
achetait 11,40 € deux paquets de cigarettes et un timbre, 0,53 €,
tandis que le froid faisait une quatrième victime.
En 2006 (un mercredi), le ministre de l’Intérieur annonce qu’il
se présente à l’élection présidentielle, deux paquets de clopes valent 10 €,
un déjeuner, pareil, de l’encre pour imprimante, 29,80 €.
En 2007 (un jeudi), on ne comprend pas, les clopes sont de
moins en moins chères, 9,60 € pour deux paquets, du vin au Monoprix,
4,40 €, des haricots et des pommes de terre rissolées, 2,75 €.
En 2008 (samedi, pas d’informations extérieures), Emmanuel
Adely mange et boit à l’extérieur : à 13:31:23, il paie une viande grillée
et un demi (10,40 €) ; puis une bière (2,40 €) ; le soir
(23:34:25), un dîner (28,70 €) ; puis deux bières (6 €) dans une
discothèque, il est à Cholet.
En 2009 (dimanche), il n’achète rien ce jour-là.
En 2010 (lundi, longue parenthèse de presque deux pages sur
Bradley Manning, le « traître » fournisseur d’informations à WikiLeaks), les achats se font en deux
temps, d’abord à Auchan (un rôti, des pommes noisettes, un pack d’eau gazeuse,
de la Savora, des Gervita et du pain, total 27,50 €), puis au Super U
où l’opérateur s’appelle Dien (six bouteilles de Freixenet avec 7,65 € de
réduction immédiate, des chips et un numéro de Capital, total 27,52 €, voilà ce qu’on appelle un bel
équilibre).
En 2011 (mardi, on a fait un tour de semaine), les
exploitants agricoles de deux nouvelles localités nippones n’ont plus le droit
de vendre leur riz. Césium radioactif. Dans le panier, au Carrefour City
Monprofit, une bouteille de Leffe, une bouteille de sauvignon blanc et du pain
aux céréales (7,03 €). Un billet de tram coûte 1,40 €.
En 2012 (jeudi), rien.
En 2013 (vendredi), rien non plus.
En 2014 (samedi), pareil.
En 2015 (dimanche), l’émotion du président est palpable.
Emmanuel Adely roule : « j’achète
55,13 € d’essence à 1,284 €/l à la station Total de l’aire de Limagne
à 16:22:59, je paie 14,20 € de
péage aux Autoroutes du Sud de la France à Saint-Romain Popey, je paie 2,10 € de péage à Grand
Lyon Métropole à la gare de Rhône Intérieur à 18:52, je paie 17,90 € à la Société des Autoroutes Rhône Alpes à
Saint-Martin à 20:14:18, je paie
2 € aux Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc à Cluses Aval à 20:42:12 ;
total : 91,33 € ».
En 2016 (aujourd’hui, mardi, je le répète pour les distraits), on ne sait pas.
Mais je viens de terminer la lecture de Je paie (Inculte/Dernière marge), et aucune des 779 pages ne m’a ennuyé, malgré la
tyrannie du calendrier et des chiffres. Grâce, probablement, aux discrets
effets de perspective.
Le pire : « Une
existence de merde. Le voilà le résumé de ces dix dernières années. La profondeur
de son malaise rivalisait avec le gouffre béant prêt à l’aspirer. Elle avança
d’un centimètre tout en reculant d’une décade dans l’intimité de sa mémoire. »
788 pages. Publiées, oui, oui. Qui est l’auteur ? Et le titre ?
Et l’éditeur ? Je vous laisse avec ces questions lancinantes. (Et en
imaginant ce que cet « écrivain » aurait pu en faire : « Son cerveau bouillonnait d’une sève
amère à l’idée de ne jamais obtenir les réponses auxquelles il avait droit
devant des questions qu’il n’avait pas lui-même initiées »,
peut-être.) Pour savoir quel roman, étiqueté thriller, vous devez absolument
éviter cette semaine, vous lirez Le Soir
(plusieurs fois cité par Emmanuel Adely, en particulier à propos de la famille
royale de Belgique) ce samedi.
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