mardi 28 avril 2015

Franz Bartelt et le brocanteur baratineur

A priori, tous les prénoms sont imaginables pour un brocanteur, comme pour n’importe quelle autre profession. Même si on pense d’abord à Louis, série télévisée oblige, Franz Bartelt a trouvé plus original : le personnage principal du Fémur de Rimbaud – bel objet, s’il existe, pour une brocante – s’appelle Majésu. Majésu Monroe. Il ne se prend pas pour n’importe qui, comme il le dit d’emblée : « Autant jouer cartes sur table : je ne suis pas n’importe qui. » Il a même, à le suivre, toutes les qualités. Pas étonnant que les femmes lui tombent dans les bras. Car il a le même bagout pour se présenter sous son meilleur jour que pour attribuer aux objets qu’il vend une histoire qui leur donne de la valeur.
Une bague quelconque ? Elle a appartenu à la sœur de Raspoutine. Un cure-dents ? C’est celui de Landru. Un fil à plomb ? Un bâtisseur de cathédrales l’a utilisé. Quant à Rimbaud, il ne va pas jusqu’à proposer son fémur à la vente mais une chaussette trouée au gros orteil, pourquoi pas ? Et un authentique accent circonflexe pourrait séduire un spécialiste… Bref, Majésu est un baratineur en grand, du genre qui ne recule devant aucune affabulation pour convaincre son interlocuteur. Ou son interlocutrice, Noème (comme on dit poème), fille révoltée d’un riche entrepreneur, séduite par l’aveu que lui fait Majésu : il a égorgé un patron, comme elle a toujours rêvé de le faire avec ses parents, ennemis de classe.
L’embrouille est majuscule, bien plus complexe que les mensonges du brocanteur sur sa marchandise. Elle implique un flic sympa, bien obligé de considérer le héros malgré lui comme un coupable potentiel, tant la parole libérée peut se révéler source d’ennuis. Surtout quand Noème, de bohème, passe au statut d’héritière et se trouve encombrée d’un mari dont elle n’a plus l’usage.
Franz Bartelt a l’imagination fertile. Et pas seulement pour les prénoms.

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