J'ai rencontré Scholastique Mukazonga il y a trois ans, à la Foire du Livre de Bruxelles où elle est à nouveau annoncée pour cette édition 2010. Elle venait alors de publier son premier ouvrage, Inyenzi ou les Cafards, dans la collection Continents Noirs dont je parlais un peu plus tôt dans la journée. Depuis, elle est restée fidèle à son éditeur à qui elle a donné un troisième livre paru en janvier, L'Iguifou. Un recueil de nouvelles, cette fois.
La dernière nouvelle de votre recueil, Le deuil, semble conduire vers un certain apaisement. Est-ce le cas?
Un certain apaisement peut-être? et c'est, à n'en pas douter, l'écriture qui me l'a apporté. Il me semble que chaque fois que je termine un livre, j'ai acquis de nouvelles forces pour répondre à la mission qui m'a été confiée: être la gardienne de la mémoire. C'est dans l'écriture que je puise la force de survivre et de me battre. J'aurais voulu donner comme titre à mon livre la phrase qui le conclut: "Et maintenant, de quoi aurais-tu peur?" C'est, me semble-t-il, dans un tout autre domaine, la même force qui anime les dirigeants actuels du Rwanda.
Depuis votre premier livre, vous ne cessez de remonter le temps en amont du génocide de 1994. Croyez-vous que cette date a en partie occulté tout ce qui y conduisait?
Les premiers témoignages des rescapés du génocide qui ont été publiés étaient émouvants, pathétiques. Mais le plus souvent, ils présentaient le génocide comme quelque chose d'inattendu, un coup de tonnerre dans un ciel serein, un événement imprévisible, un soudain coup de folie. Ce qui n'est en rien le cas. La persécution des Tutsi commence dès 1959 et les massacres qui annoncent le génocides se succèdent (1963, 1967, 1974, 1990, 1992). Les Tutsi sont considérés comme des citoyens de seconde zone, toujours suspects, des étrangers dans leur propre pays, des Inyenzi, des cafards. C'est ce que j'ai voulu montrer dans mon premier livre, Inyenzi ou les Cafards.
Il faudrait d'ailleurs remonter plus haut encore, jusqu'au mythe raciste importé par les Européens, missionnaires ou coloniaux, qui fait des Tutsi une race d'envahisseurs venue d'Ethiopie, d'Egypte pharaonique, et pourquoi pas, les descendants d'une des dix tribus d'Israël!!! On sait à quoi va aboutir de telles élucubrations.
Tous vos personnages ne peuvent pas être assimilés à votre seule expérience. Je pense en particulier à celui de La gloire de la vache. Malgré tout, la matière autobiographique est-elle votre principale source d'inspiration?
Mon premier livre, Inyenzi ou les Cafards, était bien autobiographique. Il s'agissait pour moi d'une nécessité absolue: sauvegarder la mémoire des miens et de tous les déportés de Nyamata qui avaient été exterminés. Mais, au-delà, il me fallait faire un travail de qualité littéraire. C'était l'hommage, le respect, le devoir de piété que je devais à mes morts. Mon tombeau de papier devait leur faire honneur.
Mon dernier livre, L'Iguifou, est en grande partie oeuvre de fiction mais il est évident que les personnages et les descriptions reposent sur mon expérience, c'est me semble-t-il le propre de la plupart des écrivains. Il est certain en tout cas que, pour le moment, ma source d'inspiration reste le Rwanda.
La dernière nouvelle de votre recueil, Le deuil, semble conduire vers un certain apaisement. Est-ce le cas?
Un certain apaisement peut-être? et c'est, à n'en pas douter, l'écriture qui me l'a apporté. Il me semble que chaque fois que je termine un livre, j'ai acquis de nouvelles forces pour répondre à la mission qui m'a été confiée: être la gardienne de la mémoire. C'est dans l'écriture que je puise la force de survivre et de me battre. J'aurais voulu donner comme titre à mon livre la phrase qui le conclut: "Et maintenant, de quoi aurais-tu peur?" C'est, me semble-t-il, dans un tout autre domaine, la même force qui anime les dirigeants actuels du Rwanda.
Depuis votre premier livre, vous ne cessez de remonter le temps en amont du génocide de 1994. Croyez-vous que cette date a en partie occulté tout ce qui y conduisait?
Les premiers témoignages des rescapés du génocide qui ont été publiés étaient émouvants, pathétiques. Mais le plus souvent, ils présentaient le génocide comme quelque chose d'inattendu, un coup de tonnerre dans un ciel serein, un événement imprévisible, un soudain coup de folie. Ce qui n'est en rien le cas. La persécution des Tutsi commence dès 1959 et les massacres qui annoncent le génocides se succèdent (1963, 1967, 1974, 1990, 1992). Les Tutsi sont considérés comme des citoyens de seconde zone, toujours suspects, des étrangers dans leur propre pays, des Inyenzi, des cafards. C'est ce que j'ai voulu montrer dans mon premier livre, Inyenzi ou les Cafards.
Il faudrait d'ailleurs remonter plus haut encore, jusqu'au mythe raciste importé par les Européens, missionnaires ou coloniaux, qui fait des Tutsi une race d'envahisseurs venue d'Ethiopie, d'Egypte pharaonique, et pourquoi pas, les descendants d'une des dix tribus d'Israël!!! On sait à quoi va aboutir de telles élucubrations.
Tous vos personnages ne peuvent pas être assimilés à votre seule expérience. Je pense en particulier à celui de La gloire de la vache. Malgré tout, la matière autobiographique est-elle votre principale source d'inspiration?
Mon premier livre, Inyenzi ou les Cafards, était bien autobiographique. Il s'agissait pour moi d'une nécessité absolue: sauvegarder la mémoire des miens et de tous les déportés de Nyamata qui avaient été exterminés. Mais, au-delà, il me fallait faire un travail de qualité littéraire. C'était l'hommage, le respect, le devoir de piété que je devais à mes morts. Mon tombeau de papier devait leur faire honneur.
Mon dernier livre, L'Iguifou, est en grande partie oeuvre de fiction mais il est évident que les personnages et les descriptions reposent sur mon expérience, c'est me semble-t-il le propre de la plupart des écrivains. Il est certain en tout cas que, pour le moment, ma source d'inspiration reste le Rwanda.
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