Écrivain résolument baroque, longtemps ancré sur les terres napolitaines, traducteur (entre autres) d'Umberto Eco, Jean-Noël Schifano a pris un virage fondamental il y a dix ans, quand il est devenu le directeur d'une nouvelle collection chez Gallimard, «Continents Noirs». En ce début 2010, il fête avec gourmandise l'anniversaire de cet espace où se sont révélés déjà bien des écrivains.
Conversation par email, tenue quelques jours avant son passage à la Foire du Livre de Bruxelles aujourd'hui...
Dans la préparation du lancement de «Continents Noirs», il y a donc un peu plus de dix ans, vous étiez-vous fixé une ligne éditoriale claire ?
À raison d'environ sept livres par an, toute forme d'expression littéraire - je dis bien littéraire: ce qui se fait rare de nos jours, - roman, nouvelles, poésie, essais, quelle que fût la langue. Bref, une exigence toujours plus exigeante, si je peux dire, de qualité créatrice sans que nulle sorte de censure, même commerciale, intervienne. Un lieu de liberté où les écritures africaines, afro-européennes et diasporiques puissent exprimer le meilleur de la plus jeune littérature du monde. Les cinq derniers ouvrages publiés en janvier 2010 en témoignent - mais aussi ces dix années de publication...
Êtes-vous particulièrement fier d’avoir publié certains écrivains? Ce qui ne signifie pas que vous reniiez les autres…
De José Eduardo Agualusa (écrivain angolais traduit pour la première fois en français dans «Continents Noirs») à Abdourahman A. Waberi qui a voulu passer dans «Continents Noirs» avec deux ouvrages remarquables, en attendant le troisième promis, je ne peux qu'être fier d'avoir été choisi comme éditeur par tant d'écrivains qui avaient besoin d'une renaissance ou, tout simplement, de naître aux joies et aux tourments de la publication. J'ai publié les premiers livres d'un bon nombre d'écrivains qu'on admire et qui ont leur place dans l'histoire littéraire des cinq continents: Fabienne Kanor, Théo Ananissoh, Nathacha Appanah, Ousmane Diarra, Libar M. Fofana, Scholastique Mukasonga, Antoine Matha, Donato Ndongo ( écrivain de Guinée-Equatoriale pour la première fois traduit de l'espagnol), Amal Sewtohul, et bien d'autres qui attendent de voir le jour d'ici quelques mois...
Pour les dix ans de «Continents Noirs», les témoignages de reconnaissance des écrivains ont été émouvants, y compris ceux qui ont, pour diverses raisons, comme cela se passe dans toutes les maisons d'édition et dans toutes les collections, quitté «Continents Noirs»: Nathacha Appanah m'a téléphoné de Mayotte, Sylvie Kandé (dont j'attends un manuscrit) de New York, Jean-Luc Raharimanana (admirable compagnon de route) me dit "cette formidable aventure de «Continents Noirs»"... Ananda Devi m'écrit: "je n'oublierai jamais combien les choses ont changé pour moi depuis mon passage chez «Continents Noirs»..."
Quand Ananda Devi, par exemple, pour reparler d'elle, passe de «Continents Noirs» à la «Blanche», avez-vous le sentiment d’une perte ou d’une consécration ?
J'ai été l'éditeur d'Ananda Devi pour quatre livres - et quels!... -, parmi eux, ce chef-d'œuvre absolu, réédité ces jours-ci: La vie de Joséphin le fou. Quatre livres dans «Continents Noirs» et puis, alors qu'Ananda était sur le point de signer à l'Olivier, je l'ai accompagnée, toujours avec le sigle fondamental de NRF sur la couverture, dans la «Blanche» où j'ai continué d'être son éditeur pour ses deux ouvrages suivants... Editer six grands livres d'un auteur, c'est, avec lui ou elle, un déjà très beau parcours, et je ne vois pas de promotion littéraire d'une collection à l'autre quand on est sous le signe permanent NRF Gallimard...
Dans «Continents Noirs» - au pluriel -, il y a un mouvement - un mouvement littéraire - une vraie dynamique. Les auteurs que je choisis - et qui me choisissent - pour un ou dix livres, sont sans compromis en littérature. Pas d'autocensure, pas de literary correct, chacun, chacune, va jusqu'au bout de lui-même, de la société, du monde... L'écrivain compromis reste dans un juste milieu conventionnel, écrit ce que le public et, souvent, son éditeur attendent de lui, comme une politesse bien huilée dans un salon... L'écrivain-courtisan, quel que soit son continent d'origine, tient le haut du pavé en France. L'ange gardien du conformisme règne sur les littératures du compromis qui sont, n'en doutons pas, les plus applaudies de l'establishment. Le compromis littéraire donne une littérature fossilisée à peine née... Prenez ces deux écrivains - qui ont tous deux voulu publier dans «Continents Noirs»: l'un des deux, je l'ai accueilli bras ouvert avec une admiration sans bornes, c'est l'un des plus grands de sa génération; l'autre me proposait un manuscrit inabouti malgré le travail sur l'écriture que je demandais à l'auteur. Bref, Alain Mabanckou occupe l'espace médiatique, quand Sami Tchak, depuis Place des Fêtes («Continents Noirs» NRF Gallimard), occupe l'espace littéraire.
P.S. Un autre pan de cet entretien est publié aujourd'hui dans Le Soir.
Conversation par email, tenue quelques jours avant son passage à la Foire du Livre de Bruxelles aujourd'hui...
Dans la préparation du lancement de «Continents Noirs», il y a donc un peu plus de dix ans, vous étiez-vous fixé une ligne éditoriale claire ?
À raison d'environ sept livres par an, toute forme d'expression littéraire - je dis bien littéraire: ce qui se fait rare de nos jours, - roman, nouvelles, poésie, essais, quelle que fût la langue. Bref, une exigence toujours plus exigeante, si je peux dire, de qualité créatrice sans que nulle sorte de censure, même commerciale, intervienne. Un lieu de liberté où les écritures africaines, afro-européennes et diasporiques puissent exprimer le meilleur de la plus jeune littérature du monde. Les cinq derniers ouvrages publiés en janvier 2010 en témoignent - mais aussi ces dix années de publication...
Êtes-vous particulièrement fier d’avoir publié certains écrivains? Ce qui ne signifie pas que vous reniiez les autres…
De José Eduardo Agualusa (écrivain angolais traduit pour la première fois en français dans «Continents Noirs») à Abdourahman A. Waberi qui a voulu passer dans «Continents Noirs» avec deux ouvrages remarquables, en attendant le troisième promis, je ne peux qu'être fier d'avoir été choisi comme éditeur par tant d'écrivains qui avaient besoin d'une renaissance ou, tout simplement, de naître aux joies et aux tourments de la publication. J'ai publié les premiers livres d'un bon nombre d'écrivains qu'on admire et qui ont leur place dans l'histoire littéraire des cinq continents: Fabienne Kanor, Théo Ananissoh, Nathacha Appanah, Ousmane Diarra, Libar M. Fofana, Scholastique Mukasonga, Antoine Matha, Donato Ndongo ( écrivain de Guinée-Equatoriale pour la première fois traduit de l'espagnol), Amal Sewtohul, et bien d'autres qui attendent de voir le jour d'ici quelques mois...
Pour les dix ans de «Continents Noirs», les témoignages de reconnaissance des écrivains ont été émouvants, y compris ceux qui ont, pour diverses raisons, comme cela se passe dans toutes les maisons d'édition et dans toutes les collections, quitté «Continents Noirs»: Nathacha Appanah m'a téléphoné de Mayotte, Sylvie Kandé (dont j'attends un manuscrit) de New York, Jean-Luc Raharimanana (admirable compagnon de route) me dit "cette formidable aventure de «Continents Noirs»"... Ananda Devi m'écrit: "je n'oublierai jamais combien les choses ont changé pour moi depuis mon passage chez «Continents Noirs»..."
Quand Ananda Devi, par exemple, pour reparler d'elle, passe de «Continents Noirs» à la «Blanche», avez-vous le sentiment d’une perte ou d’une consécration ?
J'ai été l'éditeur d'Ananda Devi pour quatre livres - et quels!... -, parmi eux, ce chef-d'œuvre absolu, réédité ces jours-ci: La vie de Joséphin le fou. Quatre livres dans «Continents Noirs» et puis, alors qu'Ananda était sur le point de signer à l'Olivier, je l'ai accompagnée, toujours avec le sigle fondamental de NRF sur la couverture, dans la «Blanche» où j'ai continué d'être son éditeur pour ses deux ouvrages suivants... Editer six grands livres d'un auteur, c'est, avec lui ou elle, un déjà très beau parcours, et je ne vois pas de promotion littéraire d'une collection à l'autre quand on est sous le signe permanent NRF Gallimard...
Dans «Continents Noirs» - au pluriel -, il y a un mouvement - un mouvement littéraire - une vraie dynamique. Les auteurs que je choisis - et qui me choisissent - pour un ou dix livres, sont sans compromis en littérature. Pas d'autocensure, pas de literary correct, chacun, chacune, va jusqu'au bout de lui-même, de la société, du monde... L'écrivain compromis reste dans un juste milieu conventionnel, écrit ce que le public et, souvent, son éditeur attendent de lui, comme une politesse bien huilée dans un salon... L'écrivain-courtisan, quel que soit son continent d'origine, tient le haut du pavé en France. L'ange gardien du conformisme règne sur les littératures du compromis qui sont, n'en doutons pas, les plus applaudies de l'establishment. Le compromis littéraire donne une littérature fossilisée à peine née... Prenez ces deux écrivains - qui ont tous deux voulu publier dans «Continents Noirs»: l'un des deux, je l'ai accueilli bras ouvert avec une admiration sans bornes, c'est l'un des plus grands de sa génération; l'autre me proposait un manuscrit inabouti malgré le travail sur l'écriture que je demandais à l'auteur. Bref, Alain Mabanckou occupe l'espace médiatique, quand Sami Tchak, depuis Place des Fêtes («Continents Noirs» NRF Gallimard), occupe l'espace littéraire.
P.S. Un autre pan de cet entretien est publié aujourd'hui dans Le Soir.
Avec Amanda Devi,Jean-Luc Rahaminana,et ,Alain Mabanckou, figurent dans le manifeste ,initié par Jean Lebris,
RépondreSupprimer" Pour une littérature-monde"
visant à mettre fin a l'opposition entre une " littérature blanche, disons française,et une littérature francophone,portant les stigmates de ses origines
Bien entendu,il ne s'agit pas de stigmatiser les auteurs ,qui ,ont pu bénéficier d'une maison d'édition qui se réclame ,d'une spécificité de la littérature noire
Est il permis ,de s'interroger sur la pertinance d'une telle opposition,sans courrir le risque d'étre trainé dans les marigots de la production éditoriale
La derniére campagne de pub contre le tabagisme ,tentant de façon obscéne d'assimiler la sexualité , a une humiliation de l'image de la femme,illustre ce fait à l'ére d'internet,dites n'importe quoi, il en restera toujours quelque chose,
Meme ,des écrivain(e)s bourrées de talents , telle Marie N'Diaye,devant les campagnes de communication ,des idolatres de Sarkozi,tentant de montrer que sa réussite témoigne de la démocratie française, de son ouverture ,a la différence,
empreinte les mémes voies, pour expliquer , de façon , médiatique son exil à Berlin
Faut il se laisser cannibaliser ,tout cru par ces fils de "com" ?
Mr Schifano,
RépondreSupprimerCes aménitées étant distillées,
Je suis du "midi" et,amusé d'un marché paralléle sur Tana,de livres tombés du container ( ou bien c'est le container qui tombe )
en provenance de la Réunion,
Pour dire que, méme à moitié prix ,les livres des maisons d'édition parisiennes restent inabordables pour le commun des lecteurs malgaches
Donc Monsieur Schifano,avez vous réfléchi a la diffusion de vos collections en Afrique,
Nous considérons ,pour notre part, qu'il en est des produits culturels( livres compris ), comme des produits pharmaceutiques,se justifie , est légitime,la production de livres " génériques" comme il en est des médicaments
Les multinationales de médicaments n'étant pas plus morales (ni moins) que les industries culturelles,seul leur chiffre est plus modeste
Nous vous rappelons qu'a la libération, le plan Marshall avait comme contrepartie la difusion en France , de films américains
Et l'on a cherché des moyens pour lutter contre ce qui, en Afrique s'avére étre une domination,
Le rayonnement, l'importance des produits culturels, est exponentielle,depuis
bien à vous