Le prix Goncourt des Lycéens 2008 est paru en poche. Un brillant avenir, de Catherine Cusset, est un excellent roman, à découvrir absolument.
Elena a changé de prénom. Le sien lui rappelait trop douloureusement celui de l’épouse de Ceausescu et les conditions de vie qu’elle avait connu sous la dictature roumaine. Elle s’appelle maintenant Helen, elle est américaine. Le rêve s’est accompli, non sans mal. Et avec quelques zones grises.
La géographie européenne a joué un rôle capital dans la première partie de sa vie. Enfant, en 1941, elle vivait, croit-elle se souvenir, à la campagne avant de s’installer en ville avec sa grand-mère, chez son oncle et sa tante. Son pays, la Bessarabie, était l’enjeu d’un conflit local noyé dans la guerre mondiale, entre l’URSS et la Roumanie. La fuite vers la Roumanie, la patrie correspondant à leur langue et à leur culture, devenait nécessaire. Ainsi que, pour simplifier les choses dans la société, une adoption par l’oncle et la tante qui la fait changer de nom de famille en provoquant chez la petite fille une crise d’identité: «Elle ne voulait pas dire qu’on venait de l’adopter, qu’elle n’avait pas de parents, qu’elle n’était personne.»
En 1958, elle a vingt-deux ans, elle rencontre Jacob dont elle tombe amoureuse. Il est juif et c’est un drame. Une partie de la famille de Jacob se trouve en Israël et les parents d’Elena sont convaincus qu’il voudra les rejoindre un jour, pour le malheur de leur fille…
Pour respecter la manière dont Catherine Cusset bouleverse la chronologie, sautant sans cesse à travers les époques de 1941 à 2006, il faut placer ici l’écho de ce refus parental, retrouvé une trentaine d’années après, quand Helen utilise le même raisonnement pour tenter d’éloigner Marie de son fils Alex: vous êtes française, votre famille est là-bas, un jour, vous voudrez y vivre et vous rendrez mon fils malheureux… Une génération plus tôt, l’histoire complexe de cette famille avait déjà proposé une situation comparable.
Catherine Cusset, si elle rompt avec la linéarité du récit, trouve une autre logique dans des rapprochements à travers les époques. Et, de toute manière, la fluidité de son écriture, la force des séquences présentes dans chaque chapitre, permettent au lecteur de ne jamais perdre le fil.
Ce fil abandonne la Roumanie pour Israël en 1974, puisque Elena et Jacob se sont mariés et qu’ils ont l’intention d’émigrer vers les Etats-Unis après ce détour. Le projet semble devoir échouer, puis il rebondit en passant par l’Italie. En 1975, la destination finale est enfin atteinte.
Jacob et Helen vieillissent, surtout le premier. Les ennuis de santé se multiplient, Alzheimer menace, la vie devient de plus en plus difficile. En 2003 – c’est le premier chapitre du roman –, alors que Helen est fatiguée de voir Jacob renoncer au moindre effort, celui-ci lâche prise définitivement. Une page se tourne, une de plus dans une existence soumise à bien des souffrances.
En 2006, Helen s’est réconciliée avec Marie. Son fils ne l’oublie pas. Sa petite-fille Camille l’enchante. Chaque malheur semble être contrebalancé par un bonheur. Et cette femme épanouie quitte le roman sur la pointe des pieds en allumant une cigarette.
Catherine Cusset a fait d’elle un personnage complet. Fille, amante, épouse et mère, finalement veuve (ce sont les titres des quatre parties du livre), Helen possède une vitalité peu commune. Elle traverse l’espace et le temps avec force, surtout quand elle trouve devant elle une opposition qui renforce sa volonté: ses parents qui ne veulent pas la voir épouser Jacob, le régime Ceausescu, les difficultés pour émigrer, Marie, la faiblesse de Jacob… Si elle est parfois ébranlée, elle relève toujours la tête et continue à aller de l’avant.
Son obstination la rend certes parfois presque désagréable. On a du mal à accepter, par exemple, sa haine envers sa future belle-fille. Mais elle est tout cela à la fois, Helen, et voilà pourquoi, si humaine, elle nous semble si proche.
Elena a changé de prénom. Le sien lui rappelait trop douloureusement celui de l’épouse de Ceausescu et les conditions de vie qu’elle avait connu sous la dictature roumaine. Elle s’appelle maintenant Helen, elle est américaine. Le rêve s’est accompli, non sans mal. Et avec quelques zones grises.
La géographie européenne a joué un rôle capital dans la première partie de sa vie. Enfant, en 1941, elle vivait, croit-elle se souvenir, à la campagne avant de s’installer en ville avec sa grand-mère, chez son oncle et sa tante. Son pays, la Bessarabie, était l’enjeu d’un conflit local noyé dans la guerre mondiale, entre l’URSS et la Roumanie. La fuite vers la Roumanie, la patrie correspondant à leur langue et à leur culture, devenait nécessaire. Ainsi que, pour simplifier les choses dans la société, une adoption par l’oncle et la tante qui la fait changer de nom de famille en provoquant chez la petite fille une crise d’identité: «Elle ne voulait pas dire qu’on venait de l’adopter, qu’elle n’avait pas de parents, qu’elle n’était personne.»
En 1958, elle a vingt-deux ans, elle rencontre Jacob dont elle tombe amoureuse. Il est juif et c’est un drame. Une partie de la famille de Jacob se trouve en Israël et les parents d’Elena sont convaincus qu’il voudra les rejoindre un jour, pour le malheur de leur fille…
Pour respecter la manière dont Catherine Cusset bouleverse la chronologie, sautant sans cesse à travers les époques de 1941 à 2006, il faut placer ici l’écho de ce refus parental, retrouvé une trentaine d’années après, quand Helen utilise le même raisonnement pour tenter d’éloigner Marie de son fils Alex: vous êtes française, votre famille est là-bas, un jour, vous voudrez y vivre et vous rendrez mon fils malheureux… Une génération plus tôt, l’histoire complexe de cette famille avait déjà proposé une situation comparable.
Catherine Cusset, si elle rompt avec la linéarité du récit, trouve une autre logique dans des rapprochements à travers les époques. Et, de toute manière, la fluidité de son écriture, la force des séquences présentes dans chaque chapitre, permettent au lecteur de ne jamais perdre le fil.
Ce fil abandonne la Roumanie pour Israël en 1974, puisque Elena et Jacob se sont mariés et qu’ils ont l’intention d’émigrer vers les Etats-Unis après ce détour. Le projet semble devoir échouer, puis il rebondit en passant par l’Italie. En 1975, la destination finale est enfin atteinte.
Jacob et Helen vieillissent, surtout le premier. Les ennuis de santé se multiplient, Alzheimer menace, la vie devient de plus en plus difficile. En 2003 – c’est le premier chapitre du roman –, alors que Helen est fatiguée de voir Jacob renoncer au moindre effort, celui-ci lâche prise définitivement. Une page se tourne, une de plus dans une existence soumise à bien des souffrances.
En 2006, Helen s’est réconciliée avec Marie. Son fils ne l’oublie pas. Sa petite-fille Camille l’enchante. Chaque malheur semble être contrebalancé par un bonheur. Et cette femme épanouie quitte le roman sur la pointe des pieds en allumant une cigarette.
Catherine Cusset a fait d’elle un personnage complet. Fille, amante, épouse et mère, finalement veuve (ce sont les titres des quatre parties du livre), Helen possède une vitalité peu commune. Elle traverse l’espace et le temps avec force, surtout quand elle trouve devant elle une opposition qui renforce sa volonté: ses parents qui ne veulent pas la voir épouser Jacob, le régime Ceausescu, les difficultés pour émigrer, Marie, la faiblesse de Jacob… Si elle est parfois ébranlée, elle relève toujours la tête et continue à aller de l’avant.
Son obstination la rend certes parfois presque désagréable. On a du mal à accepter, par exemple, sa haine envers sa future belle-fille. Mais elle est tout cela à la fois, Helen, et voilà pourquoi, si humaine, elle nous semble si proche.
Catherine Cusset
RépondreSupprimer"Un brillant avenir"
http://www.gallimard.fr/rentree-2008/auteur3.htm
salama,
une petite bretonne à New York,littérature d'exil,
Professeur d'Université à Yale, ( littérature française ) depuis vingt ans , vient d'étre nominée "prix Goncourt des lycéens"
Catherine Cusset,explique qu'elle a d'abord écrit son livre ,"Brillant avenir" en anglais ,car,cette langue étrangére a la sienne,s'imposait pour rendre cette dimension d'exil
Nous rapprocherons cette démarche d'un écrivain malgache Rabearivelo, dont on ne connait pas toujours la langue d'origine de ses textes
Maman d'une petite fille de 4 ans, C.C. éprouve le besoin de faire un retour (année sabatique) a sa terre natale, avant que sa fille ne soit trop grande,
Je serais curieux de connaitre ce que pensent des malgaches,exilés ou pas, de ce livre
interview de Catherine Cusset,dans "grande librairie" zappez a la 20°minute
http://tinyurl.com/yawclvw
mieux,interview avec Colette Fellous
http://www.megaupload.com/?d=NARAKWWS