Stéphane Lambert ne sera à la Foire du Livre de Bruxelles que par la bande: il est invité aujourd'hui à l'émission Culture Club sur la Première (RTBF). Son éditeur a comme politique de ne pas être représenté à ce genre d'événement. Cela lui convient: "je ne fais jamais de dédicaces", dit-il, "parce que je considère que c'est un non-sens, et source d'inutile frustration, lorsqu'on n'est pas une star du marché (ce que je ne serai jamais, étant donné le type de littérature à laquelle je me voue). Pour tout te dire, je suis assez catastrophé de voir jusqu'où peuvent aller certains auteurs pour faire parler d'eux. Je reste obstinément, et sans doute naïvement, ancré dans le seul travail d'écriture, et je privilégie les vraies rencontres."
Ceci étant posé, parlons avec lui de son dernier livre, un roman, Les couleurs de la nuit, très ancré à Prague où Stéphane Lambert a enseigné.
Il m'a semblé, en lisant Les couleurs de la nuit, y percevoir une forte présence de l'élément liquide. En avais-tu conscience en l'écrivant?
L'eau est présente dans quasiment tous mes textes depuis mes débuts. A la fois comme un élément de vie et comme un moteur de mort. C'est d'ailleurs, il me semble, l'un des motifs de mon écriture, de tenter d'explorer l'ambivalence des choses, les forces contradictoires dans lesquelles nous baignons en permanence, et dont la société contemporaine, dans sa lubie du "bonheur", tente de gommer le versant sombre. Voilà aussi pourquoi j'ai voulu faire ce parallèle avec le 14e siècle dans mon roman. Malgré l'illusion du progrès, nous vivons exactement dans la même précarité, sauf que nous ne voulons plus le savoir.
La ville de Prague, où tu as vécu, ressemble-t-elle à celle dont la littérature a nourri notre imaginaire? Ou, pour le dire autrement: l'as-tu reconnue en t'y trouvant?
Lorsque je parle de l'aspect anxiogène de la ville de Prague, beaucoup de gens qui y sont allés me disent ne pas l'avoir perçu. Ils n'y ont généralement passé que quelques jours dans un contexte qui les a maintenus hors de la réalité de la ville, et de son rythme interne. C'est tout autre chose d'y passer plusieurs mois et d'y voir peu à peu disparaître la lumière, particulièrement pour quelqu'un comme moi qui suis assez solitaire. Alors on se retrouve effectivement dans la même atmosphère étrange que celles des romans qui y ont été écrits. Surtout si on se met à les lire sur place. Pour le reste, je ne reconnais absolument pas Prague dans la plupart des livres qui en donnent une vision strictement colorée, qui ne jouent que sur sa face brillante, son côté "ville musée" aseptisé. C'est une vision totalement biaisée, partielle, touristique, de la ville.
L'irruption brutale d'une réalité dont la presse a rendu compte, à la fin du roman, était-elle une manière de lui trouver une conclusion, si on peut parler de conclusion?
C'est plutôt un questionnement. Comment l'imaginaire peut résister à l'irruption, l'intrusion permanente de la surinformation dans nos vies? Je ne crois plus au roman de facture classique, tel que beaucoup aujourd'hui en écrivent encore. C'est un total leurre. J'ai l'impression lorsque je lis la littérature contemporaine d'une immense régression, on dirait que le 20e siècle n'a pas existé. Il y aurait beaucoup à dire sur ce qui explique ce phénomène (nombre d'auteurs contemporains ne sont pas de vrais lecteurs; volonté de toucher le plus grand nombre; essor des ateliers d'écriture...). Quand je vois l'art à côté, il y a un tel décalage : certains artistes ont cent ans d'avance sur la littérature. C'est-à-dire qu'il me semble que l'écriture elle-même doit trouver une nouvelle forme non pour répondre, mais pour rendre compte de la transformation actuelle du monde, de l'impossibilité d'une narration proprette épargnée par ce chaos.
Ceci étant posé, parlons avec lui de son dernier livre, un roman, Les couleurs de la nuit, très ancré à Prague où Stéphane Lambert a enseigné.
Il m'a semblé, en lisant Les couleurs de la nuit, y percevoir une forte présence de l'élément liquide. En avais-tu conscience en l'écrivant?
L'eau est présente dans quasiment tous mes textes depuis mes débuts. A la fois comme un élément de vie et comme un moteur de mort. C'est d'ailleurs, il me semble, l'un des motifs de mon écriture, de tenter d'explorer l'ambivalence des choses, les forces contradictoires dans lesquelles nous baignons en permanence, et dont la société contemporaine, dans sa lubie du "bonheur", tente de gommer le versant sombre. Voilà aussi pourquoi j'ai voulu faire ce parallèle avec le 14e siècle dans mon roman. Malgré l'illusion du progrès, nous vivons exactement dans la même précarité, sauf que nous ne voulons plus le savoir.
La ville de Prague, où tu as vécu, ressemble-t-elle à celle dont la littérature a nourri notre imaginaire? Ou, pour le dire autrement: l'as-tu reconnue en t'y trouvant?
Lorsque je parle de l'aspect anxiogène de la ville de Prague, beaucoup de gens qui y sont allés me disent ne pas l'avoir perçu. Ils n'y ont généralement passé que quelques jours dans un contexte qui les a maintenus hors de la réalité de la ville, et de son rythme interne. C'est tout autre chose d'y passer plusieurs mois et d'y voir peu à peu disparaître la lumière, particulièrement pour quelqu'un comme moi qui suis assez solitaire. Alors on se retrouve effectivement dans la même atmosphère étrange que celles des romans qui y ont été écrits. Surtout si on se met à les lire sur place. Pour le reste, je ne reconnais absolument pas Prague dans la plupart des livres qui en donnent une vision strictement colorée, qui ne jouent que sur sa face brillante, son côté "ville musée" aseptisé. C'est une vision totalement biaisée, partielle, touristique, de la ville.
L'irruption brutale d'une réalité dont la presse a rendu compte, à la fin du roman, était-elle une manière de lui trouver une conclusion, si on peut parler de conclusion?
C'est plutôt un questionnement. Comment l'imaginaire peut résister à l'irruption, l'intrusion permanente de la surinformation dans nos vies? Je ne crois plus au roman de facture classique, tel que beaucoup aujourd'hui en écrivent encore. C'est un total leurre. J'ai l'impression lorsque je lis la littérature contemporaine d'une immense régression, on dirait que le 20e siècle n'a pas existé. Il y aurait beaucoup à dire sur ce qui explique ce phénomène (nombre d'auteurs contemporains ne sont pas de vrais lecteurs; volonté de toucher le plus grand nombre; essor des ateliers d'écriture...). Quand je vois l'art à côté, il y a un tel décalage : certains artistes ont cent ans d'avance sur la littérature. C'est-à-dire qu'il me semble que l'écriture elle-même doit trouver une nouvelle forme non pour répondre, mais pour rendre compte de la transformation actuelle du monde, de l'impossibilité d'une narration proprette épargnée par ce chaos.
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