Écrivain peu connu du grand public, mais suivi fidèlement par ses lecteurs, Jean-Loup Trassard est, avec Wadji Mouawad, le principal lauréat des prix d'automne de la Société des gens de Lettres.
Son dernier livre, L’homme des haies,
ne semblait pas comme chez lui dans la dernière sélection du prix Renaudot. Avec
ses gros habits de paysan, Vincent, le narrateur, détonne dans le milieu parisien.
Certes, l’écrivain n’y est pas totalement étranger, à ce milieu, puisqu’il
publie chez Gallimard depuis une cinquantaine d’années. Mais c’est dans la
campagne mayennaise qu’il va chercher, à la meilleure source, les gestes
traditionnels du cultivateur et de l’éleveur – les siens, pour une partie de sa
vie.
Son livre ne sent même pas, comme les autres, l’encre fraîche (il sent la
terre) : au lieu d’avoir été publié à la rentrée, comme il se doit quand
il est question de prix littéraires d’automne, il est paru au printemps, sans
bruit excessif. Une raison de saluer, en guise de remerciement, le ou les jurés
qui ne l’avaient pas oublié et l’ont porté jusqu’à la dernière étape avant le
prix Renaudot. Même si Jean-Loup Trassard ne l'a pas reçu, l’écrivain et photographe, ancien fermier de droits communaux, aura
au moins été placé dans la lumière. Cela justifie bien un retour sur un ouvrage
que j'avais manqué à sa sortie.
L’homme des haies pourrait être un livre pratique dont nous n’aurions
pas, ou plus, l’usage. On y apprend que « la
faucille fait bien pour le flanc de haie où c’est de l’herbe qui pousse, s’il y
a des ronces j’aime mieux prendre ma serpe parce qu’à la serpe le manche est
plus long, trente centimètres, non, un peu moins, mettons vingt-sept,
vingt-huit, tandis que le manche d’une faucille est juste pour une largeur de
main et quand on coupe des ronces à la faucille, ça arrive, on a bien plus de
chance de se faire griffer la main droite. »
On y apprend que la huppe
fait pu-pu, et même pu-pu-pu. Que les bourdons du trèfle ont le derrière roux
et ne piquent pas. On y apprend que les patates, « comme poudrées par la terre sèche », sont douces à la
main qui les dégerme facilement avec le pouce, mais aussi qu’effeuiller les
betteraves encore en terre (« il
faut prendre toutes les feuilles d’une seule poignée et tourner en serrant dur
pour les arracher à ras de la betterave ») finit, bien que les
feuilles soient tendres, par érucer
la peau au-dessus du pouce, c’est-à-dire la râper, selon le glossaire qui, en
fin de volume, explique les nombreux termes de patois mayennais semés dans le
récit comme de petites graines poétiques qui donneront, ou pas, des fruits dans
l’esprit du lecteur.
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